dimanche 20 mai 2012


« Le gamin au vélo »  Film des frères Dardenne et « L’enfant d’en haut »  Film de Ursula Meier. 

Le rapprochement entre ces deux films[1] n’est pas artificiel, il est inévitable. Il s’agit du même thème : l’abandon affectif  d’un enfant d’une dizaine d’années, un garçon, développé sous forme d’histoires  à la fois différentes et très semblables. Les localisations géographiques et historiques sont ceux des sociétés de l’Europe du XXI siècle et le contexte mis en avant est l’individualisme que ces sociétés secrètent.  Ces deux films parlent de la lutte pour la survie au bas de l’échelle sociale. Ils montrent, en  action, ces deux enfants au jour le jour, une petite tranche de vie : tout au plus sur une durée de six mois ; la force de ces deux films mais aussi leur faiblesse.
Dans « Le gamin au vélo »,  Cyril ne veut pas admettre que son père l’a abandonné. Il vit dans une structure d’accueil en Belgique et tout le film traduit en images  ses efforts pour retrouver en ville, dans la banlieue de Liège,  ce père qu’il aime. Le vélo est le lien affectif avec le père et le moyen de partir à la recherche de ce père. Ce sera aussi - un peu téléphoné - l’occasion pour Cyril de retrouver un substitut de mère, Samantha, coiffeuse. Puis Samantha a un amant et choisit l’enfant au détriment de l’amant qui ne veut pas de cet enfant …
Dans «  L’enfant d’en haut », Simon s’est parfaitement adapté à son délaissement, parents morts, et grande sœur qui s’absente souvent.  C’est un petit voleur dans le décor d’une station de ski en Suisse. Sa sœur, Louise, a comme Samantha un amant qui la fuit parce qu’elle est encombrée de cet enfant là…et Simon lui aussi a trouvé une mère de substitution dans une touriste.
Mais tout cela reste, pour nous,  souvent au niveau des intentions. On a plusieurs fois envie de quitter la salle de cinéma à cause des longueurs. Dans le premier cas,  les scènes de vélo qui sont trop longues, dans le deuxième cas les scènes de vol qui  sont trop répétitives. Comme si rien ne pouvait déboucher que la répétition inlassablement des mêmes choses. Sans doute ont-elles ce sens-là, ces scènes, pour le grand public visé par ce genre de film? Les figures de pères de substitutions existent : un malfrat dans « Le gamin au vélo » et les ouvriers de la station de ski dans «  L’enfant  d’en haut ».  Pauvres modèles. En filigrane la notion d’enfant en danger, la possibilité de la dérive. Les deux films sont trop cliniques. Il leur manque de l’oxygène, du sentiment… il manque- je dirais - non pas des « bons sentiments » toujours assez suspects, mais de l’émotion vécue. Il me semble que le monde des plus pauvres n’est pas à ce point déshumanisé, qu’il devrait y avoir une ou deux scènes affectivement plus denses en plus, car au niveau de l’âge de ces enfants, la saisie au vol d’un brin d’amitié par exemple aurait été assez réaliste! C’est  pour moi ce qui reste le plus préoccupant, ce regard de personnes bien intentionnées, car pour les frères Dardenne au moins, ils  ont déjà fait beaucoup mieux. Retenons cependant qu’il y a, c’est certain, un refus de l’idéalisation de la misère commune aux deux cinéastes-refus  tout à fait respectable et nécessaire-, et retenons aussi que la question des conditions de la survie de ces enfants en danger dans notre société reste posée, questionnement sans réponse : probablement  le  vrai but de chacun de ces films avec d’un côté la société sourde et aveugle, de l’autre ces petits paumés qui ne se mélangent aux autres qu’à l’occasion d’actes délictueux. En définitive des films qui atteignent leur but ?
Marie-Hélène Dacos-Burgues

[1] Le gamin au vélo, film belge de Jean-Pierre et Luc Dardenne, 2011, avec Thomas Doret (13 ans), Cécile de France ( Samantha), Jérémie Régnier, Egon Matéo, film présenté au festival de Cannes 2011 ; L’enfant d’en haut, film franco-suisse de Ursula Meier, 2012, avec Kacey Mottet Klein(12 ans) , Léa Seydoux ( Louise)