mardi 19 février 2008

Revue de presse : Joseph Wrésinski le républicain

Depuis le pied du mont Ventoux et avec le recul d’une vie, Marie-Hélène Dacos-Burgues, ancienne volontaire d’Atd Quart Monde et maire de Méthamis (Vaucluse), nous livre sa vision du fondateur. Publié pour le 20e anniversaire de sa mort, son livre « Agir avec Joseph Wrésinski »*, commente avec originalité les textes de celui qu’elle qualifie de « prêtre républicain » (titre d’un article de la revue Quart Monde n° 204)**.


Feuille de Route : Beaucoup d’écrits existent sur Joseph Wrésinski. Pourquoi ce livre ?

Marie-Hélène Dacos-Burgues : Je n’ai pas la prétention universitaire d’analyser une pensée. Je veux donner un témoignage. J’ai connu Joseph Wrésinski à 26 ans. Je m’étais présentée au siège du Mouvement international, dans le Val d’Oise, pour être utile. Les étés 1967 et 1968, j’ai classé, répondu au courrier puis animé, de 1974 à 1979, une pré-école à Liège (Belgique). Pendant ce temps, mes relations avec l’homme ont été assez problématiques. Mais il était attentif à mes questions et je l’ai toujours senti très ouvert à la différence. Il n’avait pas « l’esprit de chapelle ». Le milieu dans lequel j’ai grandi était lui férocement anticlérical. Mes amis sont plutôt des féministes, des maoïstes. Malgré cela, je me trouve des points communs avec lui. J’ai été confrontée dès ma naissance à l’inégalité sociale, ma branche maternelle étant d’une lignée de paysans sans terre obligés de travailler celles des autres. Ma mère nous a élevés seule aussi difficilement que la mère de Joseph Wrésinski. L’enseignement qu’il a reçu au séminaire devait être semblable au mien, à l’École normale d’Avignon, lorsque je me destinais à être institutrice. Son combat contre le racisme social m’a surtout parlé. Je l’ai compris. Je le partage.

Je le trouve tout à fait compatible avec la laïcité. Mais l’expliquer à mon milieu a toujours été rude. Je me suis lancée dans ce travail pour faire le lien avec ceux qui sont extérieurs tant à la religion qu’à Atd Quart Monde, comme les professionnels du social que j’ai particulièrement côtoyés en Belgique. J’ai cherché les citations montrant ces convergences. Ce ne sont pas mes inventions, ce sont bien les propos de Joseph Wrésinski.

FdR : Pourquoi avoir articulé votre ouvrage autour de la devise « Liberté-Egalité-Fraternité » ?

M-H.D-B. : J’écris que « chez Joseph Wrésinski, l’intégration des trois termes de la trilogie républicaine est non seulement avérée mais porteuse d’espoir pour tous les citoyens attachés aux valeurs de la démocratie ». Son projet me semble à bien des égards celui des révolu¬tionnaires français. Il est même proche du courant actuel altermondialiste : habiter la terre autrement. Joseph Wrésinski n’était pas matérialiste. Il se préoccupait des besoins, des droits fondamentaux et du sens de la vie. On peut dire que quelque part c’était un philosophe. Les actions étaient orientées par une façon de voir les choses. En ce sens, il me semble même plus près des partis politiques que des Églises. L’égalité, c’est le noyau de son idéal. Dans ma famille, tous en parlaient sous l’angle de la dignité. La charité était perçue comme un palliatif, une attitude inventée pour remplacer la justice. J’ai retrouvé chez Joseph Wrésinski cette égalité vue comme obligation de tout être humain vis-à-vis d’un autre être humain. Cela étant, je n’efface pas son identité de prêtre. Je ne nie pas l’amour, ni la foi. Je crois simplement que son message s’accorde aux valeurs de la République.

FdR : En quoi votre passé de volontaire du Mouvement vous a-t-il inspiré dans votre vie municipale ?

M-H.D-B.: Servir la collectivité ou avoir en famille une présence solidaire dans un quartier pauvre sont deux façons de s’engager. Pour autant, la responsabilité de maire est d’être celui de tous les habitants. Ne pas privilégier les plus précaires mais y être constamment attentive. Nous évitons tout pour les stigmatiser, par exemple le prix de cantine, bas, est le même pour tous ; quant à la subvention pour l’achat de matériel scolaire, elle est conséquente afin que l’école reste gratuite. Nombre de mes collègues ont cette volonté.

Propos recueillis par Chantal Joly

*« Agir avec Joseph Wrésinski. L’engagement républicain du fondateur du Mouvement Atd Quart Monde». Éd Chronique sociale, 320 p, 16,90 euros. Voir p7 **Voir p7


Feuille de route Quart Monde, N° 370, février 2008, p 6.

Feuille de route Quart Monde est une publication mensuelle du Mouvement ATD Quart-Monde.