Egalité - Que peut-on en conclure pour l'égalité ?
26. Que peut-on en conclure pour l'égalité ?
" L’égalité c’est le fait." Il découle de la fraternité de tous les enfants de Dieu pour les croyants, Il est d’essence " biologique " pour les non-croyants. Il est le fondement de la charte des Droits de l’homme pour les humanistes. Il est d’essence juridique pour la Constitution française. Il est " un fait à venir, un objectif de lutte " pour les syndicalistes et certains partis politiques. C’est encore un fait à venir, " une construction sociale" pour les sociologues car bien évidemment ce fait n’est pas socialement reconnu et vécu.
Entre un fait acquis qui tend à l’immobilisme des acteurs sociaux et un fait à venir qui demande qu’on s’y attelle avec passion et force, Joseph Wresinski a choisi. Il pensait que l’homme pauvre est un travailleur instable certes mais un véritable travailleur, capable de s’investir dans le monde du travail pour peu qu’on lui donne sa chance. Il a donc revendiqué une place et une reconnaissance de travailleur pour les plus pauvres. Mais le plus souvent il a orienté ses propos autour du thème des droits des humains, plus larges et dont l’interprétation et surtout la mise en œuvre posaient malgré tout des problèmes dans le monde entier.
En terme de moyens d’action, cette égalité n’était pas revendiquée de façon traditionnelle, elle n’a pas été déclamée dans des manifestations de rue. Joseph Wresinski considère que c’est l’affaire de tous. Dans le Mouvement qu’il a créé, elle est revendiquée depuis toujours sous deux aspects complémentaires.
En premier lieu l’égalité dans les relations humaines, dans le tissu social : c’est l’égalité par le cœur, celle qui, d’une certaine façon, est conditionnée par la liberté que chaque citoyen a de choisir soit la solidarité avec les autres, soit le rejet des autres corrélé avec le repli sur soi, l’individualisme, l’égoïsme. La lutte des sous-prolétaires eux-mêmes pour conquérir leur dignité de groupe et d’individus passe par la parole collective et par la représentation " politique ".
Ensuite, c’est l’égalité face à la Loi. C’est donc la fraternité comme un devoir impératif de la société : la solidarité par l’État et donc voulue, organisée par le législateur, mise en œuvre par tous les pouvoirs locaux et par tous les professionnels concernés.
L’apport de Joseph Wresinski à nos sociétés occidentales a été de développer un point de vue à la fois révolutionnaire quant au contenu et tout en nuance quant aux modalités. Il ne propose pas moins que de revenir de façon radicale sur notre conception de la pauvreté : À la nécessité d’aider, d’assister les pauvres, il substitue la nécessité d’accepter que les pauvres nous aident à recentrer nos combats, nos priorités. Il ne propose pas moins que de faire en sorte que les pauvres soient partie prenante et pièce centrale de la définition des problèmes de société que nous voulons résoudre.
Une égalité absolue : se faire aider par tous et donc aussi par les pauvres pour concevoir le monde à venir !
Textes choisis
" Sachons que le jour où nous ne considérerons plus comme absolu leur droit aux ressources, au logement, au travail, nous cessons d’affirmer leur droit à la dignité, c’est à dire à la vie et non à la survie. Nous choisissons nos pauvres, ceux qui sont encore debout, capables de fournir ne serait-ce que la plus faible contre-partie aux droits accordés si nous prétendions que les familles demandent non des droits absolus sans contre-partie, mais seulement des moyens d’exercer leurs responsabilités. En réduisant les droits de l’homme à des moyens de vivre, on en fait l’affaire des juristes et des hommes politiques, alors qu’il s’agit d’une affaire de civilisation, d’une affaire de tous. Dans l’esprit des auteurs de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, ces droits étaient constitutifs de l’homme, de sa nature même d’homme et de frère d’autres hommes. En venant au monde, l’homme représente un droit sur son frère. Celui-ci a le devoir de lui assurer un toit, des soins, une alimentation, de l’affection. Rappelons que le droit et les lois ne devancent pas les hommes, ils mettent en sécurité ce à quoi les hommes croient déjà, ce à quoi ils tiennent vraiment, c’est-à-dire en fait la liberté, l’égalité et la fraternité.".
À cause de l’homme, in Revue Quart-Monde N° 122, Droits de l’homme et droits de l’autre, hiver 1987, p. 3.