mardi 26 avril 2011

Film "La bella gente " les gens bien

Film de Ivano De Matteo

Un film sur des questions dérangeantes bien mené.
Un couple « bien » rejoint sa maison de vacances à la campagne en voiture. A la ville, à Rome, Madame, Susanna, est psychologue et s’occupe de femmes battues, Monsieur,Alfredo, est architecte. A la campagne, leurs voisins et amis sont des bobos sans consistance,caricaturaux, peu en harmonie avec eux. Les voisins aiment le « tape à l’œil », ils aiment l’argent facile, ils ont des propos un brin racistes et des préjugés bien établis. Le couple de Susanne et Alfredo est beaucoup plus sympathique, plus ouvert. Pendant tout le film on se demande pourquoi ces deux couples se fréquentent. On ne voit certainement pas en quoi consiste leur amitié… Obligation de voisinage ? Tolérance accrue du fait de l’isolement ? Simples relations mondaines parce qu’il faut bien ?
Le premier couple, sous l’instigation insistante de Susanna se met dans l’idée de sauver une jeune prostituée qui s’offre au bord de la route nationale et qui a un
« Mac » qui la tape et la traite durement. Vu le jeune âge présumé de la demoiselle, Susanna arrive à convaincre son époux d’aller la chercher pour la ramener à la maison. C’est là que Nadja, jeune prostituée ukrainienne, entre en scène. Refusant d’abord, puis ayant été véritablement kidnappée, elle finit par accepter de se couler dans le rôle de la fille sauvée.
Nous sommes dans un scénario analogue à celui du film « No et moi » qui traite des bons sentiments d'une famille envers quelqu'un de paumé. Mais avec plus de finesse. Susanna est généreuse, son mari est réaliste. Il a résisté autant qu’il a pu, puis il a accepté l’idée de sa femme et il a été capable de prévoir que la chose serait très délicate. Comme le couple est solide, il pense pouvoir faire face à tout. La métamorphose physique de Nadja qui perd son maquillage et se transforme en jeune fille convenable est spectaculaire.
L’anniversaire de Susanna sera l’occasion d’une série d’événements qui révéleront les difficultés d’un tel projet. Des idéaux sont-ils suffisants pour faire le bonheur d’autrui ? Comment fait-on pour connaître vraiment la personne qu’on veut aider, pour ne pas plaquer sur elle des attentes et un regard tout à fait irréaliste ? Ne piége -t - on pas les gens avec trop de bons sentiments ? Où est la liberté de Nadja ?
Susanna va prendre en pleine figure ces questions qu’elle ne s’était jamais posées. Ni dans le cas présent ni sans doute avant, dans son métier. Là comme dans le film « No et moi » le réel de Nadja est inconnu comme l’était le réel de No. Seulement il n’est pas occulté totalement ni caricaturé. Petit à petit, au fil du temps qui passe, des indices montrent que la gamine « sauvée » rêve peut -être d’autre chose… Que cet autre chose soit présenté comme une idée abstraite issue de la vision que nous avons du délitement des pays de l’Est ne gêne pas car c’est plausible.
L’histoire est crédible et interroge encore une fois les bons sentiments des « gens bien » Pour cette raison c’est déjà un film salutaire. L'approche des plus pauvres ne se fait pas sans préparation.
L’actrice Victoria Larchenko est magnifique. Les acteurs Antonio Catania et Monica Guerritore jouent à merveille leur rôle de couple bien et …, chose plus rare, qui fonctionne bien.

Le réalisateur a tenu des propos fort intéressants. Le scénario l’a gêné : pas de héros, pas de crapule, pas de grand drame. Il dit « et pourtant une étrange sensation ne me quittait pas, cela me faisait presque froid dans le dos, et en relisant plusieurs fois le scénario, j’ai compris que toute l’histoire était pervertie par une condition « d’absence »[…] Je me suis toujours demandé si dans notre société il existait encore des classes sociales. Apparemment non, apparemment nous sommes seulement divisés entre ceux qui ont de l’argent et ceux qui n’en ont pas » Ivano de Mattéo. ( via Cinémovies)
Il me semble que cette compréhension est nécessaire pour traiter ce genre de sujet.
Le film a eu le grand prix au festival du film italien à Annecy et le prix CICAE au même festival.
Un film bien meilleur que « Another Year » sur un sujet voisin : l’aveuglement de gens sous - informés et trop isolés dans leur « petit groupe » !

Marie-Hélène Dacos –Burgues

Film italien de 2009, avec Antonio Catania, Myriam Catania, Iaia Forte,Elio Germano, Giorgio Gobbi, Monica Guerritore, Victoria Larchenko