Film Ombline
Film franco-belge de
Stéphane Cazes - 2012.
Ce premier film[1]
ne s’interdit aucun défi. C’est un film sur l’amour maternel, sur la vie des
femmes en prison, sur la rédemption. Et il est réussi.
La prison, on est dedans pendant tout le film comme dans un
documentaire. Ombline y est incarcérée pour avoir agressé les policiers qui ont
causé la mort de son compagnon, un jeune dealer. Sa peine est d’une durée de
trois ans. Le film couvre la totalité de cette peine, et la sortie de prison. La
jeune femme n’est pas une délinquante récidiviste. Le malheur s’est abattu sur
elle sans qu’elle sache bien comment. Une enfance difficile, l’absence d’une famille
structurée et aimante ( pas de mère, père en prison), des rencontres pas très
heureuses et le problème d’Ombline - elle régit très violemment face aux
injustices - l’ont entraînée là où elle est.
L’actrice qui joue le rôle n’ayant pas le physique d’une femme abîmée
par la galère, cela laisse ouvertes de
réelles possibilités d’identification et donc d’empathie avec le personnage. La
confrontation d’Ombline avec le système carcéral est très émouvant parce qu’il
nous est donné de voir ce que personne ne voit jamais, l’univers carcéral avec
les yeux d’une détenue, mais aussi parce qu’Ombline, certes paumée, n’est pas « détestable »
dans sa façon de faire. Au contraire, le spectateur est porté tout au long du
film par le point de vue de la détenue
et non par le point de vue des matonnes et de l’institution. Un beau rôle, bien
habité par Mélanie Thierry. Condition de
cette réussite : d’abord la
connaissance approfondie du sujet traité, mais aussi le fait que l’actrice,
Mélanie Thierry, a passé trois mois à Fleury Mérogis, y organisant des ateliers
théâtre pour les femmes. Elle s’est imprégnée de leur vécu et cela se sent
bien. Les compagnes ou amies d’Ombline en prison et hors de prison, sont
plus «limites», plus typées et très
vraies.
Le film n’est pas seulement un documentaire, c’est une
formidable plongée vers l’humain, vers cet instinct maternel, par ailleurs si controversé.
Car en prison, Ombline se découvre
enceinte, accouche et élève son fils
pendant les 18 mois réglementaires. Après on le lui prendra, elle le sait. L’amour d’Ombline pour son fils est tout entier
tendu vers ce moment fatidique où l’on viendra le chercher. C’est d’ailleurs le
moment clef, le moment avec lequel le film commence. Cet amour total, sensuel,
non réfléchi mais entièrement pensé comme étant d’emblée la seule chose juste
sur cette terre de misère, cette attention permanente pour le petit être
qu’elle a mis au monde, sert aussi de point d’accroche aux travailleurs de la
prison… pour contrôler Ombline, pour obtenir d’elle qu’elle change, pour
orienter ses efforts. Et Ombline finit par entrer dans la cadre prescrit.
C’est donc quelque part un film sur la rédemption que la société attend d’une
détenue «perfectible ».
Nous y voyons quelque chose de plus. On
donne à Ombline l’injonction d’être
acteur de sa propre vie. Les méthodes utilisées ne semblent pas vraiment les
mieux adaptées et Ombline le dénonce. Ce
sont des personnes qui osent déroger un peu à leurs obligations de services qui
aident vraiment Ombline.
La dureté est là omniprésente…mais la solidarité trouve malgré
tout à s’exprimer. D’abord il n’est pas prévu d’accoucher le Week-end, Les
détenues par leur raffut obtiennent qu’on évacue Ombline. Ensuite la présence
dans une nursery assez bien équipée, de ces femmes avec enfants n’élimine nullement
la difficulté pour les détenues de se faire entendre… Les cris au secours
qu’elles poussent très souvent en tapant sur les portes fermées : «
Surveillantes, Surveillantes » en sont la ponctuation
permanente. Ombline aime son fils. On le lui laisse, c’est bien, mais on ne lui
permet pas d’avoir un environnement correct pour lui. Et les
règles restent les règles. Ayant enfreint les règles, la détenue doit faire du
cachot, privant ainsi de son lait son fils qu’une codétenue finit par allaiter.
La grande difficulté est de programmer la sortie de l’enfant
à 18 mois. Ombline ne veut pas qu’il aille en foyer. Son amie
du dehors veut bien prendre en charge l’enfant à sa sortie de prison. Or
elle peine à donner des gages de sa fiabilité. Parce qu’elle est tout à coup amoureuse,
elle disparaît, obligeant le travailleur social à la juger inapte… et parce qu’au
fond elle aurait du mal à s’inventer un charisme maternel qui lui fait défaut, elle
renonce à aider son amie.
D’autres personnages accompagnent Ombline : les matonnes peu sympathiques sauf une, les
autres détenues, chacune avec ses rêves et ses difficultés, des travers ou des
perversions, l’une rêveuse et optimiste, l’autre réaliste : elle va
abandonner son enfant, une autre enfin qui est une véritable terreur. La famille d’accueil finalement, est, elle, très humaine. En laissant à Ombline sa place de maman à part entière, cette
famille lui permet enfin d’envisager sa
propre sortie et une reconstruction réelle. Les enfants sont craquants.
Ce film est soutenu par la Ligue des Droits de l’Homme.
Marie-Hélène DACOS-BURGUES
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