samedi 5 juillet 2008

Liberté-Pourquoi l'amour est-il l'horizon de sa liberté?

31. Pourquoi l’amour est-il l’horizon de sa liberté ?

Marie Jahrling, qui était enfant dans le camp, situe bien le choc que représenta l’arrivée de Joseph Wresinski dans ce milieu : " C’est ma mère qui en parlait. Il est venu en 1956, avec une vieille soutane noire et deux chaussures différentes. Et il a tout de suite remué les gens, beaucoup, sans cesse, pour qu’ils se prennent en main et que les choses puissent avancer. Il y avait tant à faire ! Tout allait si mal : le froid de l’hiver, la chaleur de l’été que les tentes, et plus tard les toits de tôle des igloos, rendaient insupportables, les incendies de quelques baraques en bois, la mauvaise nourriture, l’impossibilité de se tenir propre, les maladies, les gens qui mourraient, des femmes courant avec leurs bébés morts dans leurs bras… […] Le père Joseph ne voulait qu’une chose mais il la voulait absolument : que les gens se prennent en main ![…] Il a vraiment remué notre vie. Grâce à lui j’ai compris, nous avons compris que nous étions des personnes à part entière. Que nous n’étions pas des parasites. Grâce à lui nous avons compris que nous devions nous cultiver."[1].[..]

Sur l’amour des pauvres, tel qu’on le vivait à l’époque de son entrée au bidonville, Joseph Wresinski s’est exprimé à maintes reprises pour en montrer l’inadaptation, voire le danger. Un soir de novembre 1965 il dit que c’était une manière de répondre à un intérêt de l’Église. Et il ne changea pas d’avis, même si indulgent pour les personnes qui font un mouvement vers les pauvres, il acceptera presque toujours leur collaboration. |…]

Pour Joseph Wresinski ce n’est donc jamais l’amour seul. Jamais les bons sentiments seuls. L’obsession de la destruction de la misère tient beaucoup plus de place. C’est l’amour dans le quotidien sans doute pour lui, mais pour alimenter sa volonté politique de changer le monde. C’est le projet de ne bafouer ni la liberté, ni l’égalité. C’est donc une empathie forte qu’il veut faire partager à tous ceux de bonne volonté et de toutes les obédiences : il l’a d’ailleurs dit explicitement.

" En réalité, si l’homme nous engage à la révolution, celle-ci ne peut être qu’une révolution d’amour. Cependant, il faut faire extrêmement attention à ce que nous disons là. Car l’amour bien souvent nous conduit au paternalisme et à l’acceptation d’un état d’injustice, de mensonge, d’oppression. C’est pourquoi, si nous parlons d’une révolution d’amour et de l’esprit qui peut la provoquer, nous sommes obligés de parler d’un engagement à l’homme. Pour que l’amour soit vrai et qu’il serve à une révolution, il doit être vécu et transmis d’homme à homme. Cela ne doit pas rester une affaire de mots, cela doit à la fois prendre une dimension universelle et être vécu dans l’existence de tous les jours. Or c’est dans la vie quotidienne qu’il est très difficile de ne pas tuer la liberté au nom de la vérité et de la justice, ni de trahir la vérité ou la justice au nom de la liberté. Tuer la liberté au nom de la vérité, c’est ce qui se passe en Union soviétique, où les écrivains passent en jugement pour s’être permis de critiquer le régime. C’est ce qui se passe aussi en France, quand un magistrat est démis de ses fonctions pour avoir jugé de son devoir d’exprimer des réserves par rapport au fonctionnement de la justice.".

La révolution qui dure est celle qui s’engage pour l’homme, une révolution d’amour, Session du volontariat, 15 février 1966, Écrits et paroles, t 1, p. 400.

Extraits du livre :

Agir avec Joseph Wresinski.

L’engagement républicain du fondateur du Mouvement ATD Quart Monde .

Editions chronique sociale-2008- 320 p.

En vente aux éditions chronique sociale, aux éditions Quart Monde et en librairie. 16,90 euros



[1]. Marie Jahrling, Il a remué notre vie, 1989, Revue Quart Monde n° 133 / 134, p. 6.

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