samedi 28 juin 2008

Egalité-Pourqoui a-t-il agi de la sorte?

5. Pourquoi a-t-il agi de la sorte ?

Dans l’action c’était le combat pour l’égalité qui l’intéressait. Ce combat, il le concevait comme une interpellation de la société globale mais d’abord dans une relation d’homme à homme. Deux points de vue inséparables. Tout au cours de sa vie on verra l’un ou l’autre aspect prédominer. Jamais l’un des deux ne s’effacera au profit de l’autre. Si l’égalité, le fait, restait à conquérir ce devait être l’affaire de tous.

C’est en se démarquant des habitudes, des idéologies ambiantes qu’il a pu éviter certaines confusions et avancer dans la voie qu’il avait choisie. Les idées dominantes étaient représentées par l'Abbé Pierre et par les marxistes, dans des registres différents. [..]

Joseph Wresinski, quant à lui, était un fils de pauvre peu enclin aux concessions, parlant rudement parfois. Le fondateur d’Emmaüs parle lui-même d’écart radical entre eux. Il dit : " Entre nous, il y avait un écart radical : il était né pauvre, pas moi. Aucun livre ne m’apprendra jamais ce que la vie lui avait appris, depuis qu’il avait vu pleurer sa mère qui faisait des travaux de couture jusqu’à une heure du matin en se demandant comment elle achèterait le pain du lendemain. Il avait des intuitions que nous n’avions pas. Par exemple, il avait convaincu des coiffeuses, venant de salons parisiens réputés, de passer quelques heures dans le bidonville pour proposer leurs services aux femmes. Il savait que celles-ci, une fois coiffées, avaient un autre comportement, devenaient d’autres personnes. Toute sa vie, il a donné priorité à l’instruction et il a eu raison. Entre nous ça a été violent, cruel parfois. Aujourd’hui les deux mouvements sont fraternels et c’est tant mieux, car chacun suivant son chemin avec originalité, ils sont une richesse extraordinaire."[1] .

Bien qu'étant tous les deux au contact des mêmes personnes dans ce bidonville, ils n'ont pas fait les mêmes analyses de la situation, comme s'ils ne s'adressaient pas à la même population. Pour l'Abbé Pierre le logement d'urgence, et même le secours d'urgence étaient l'essentiel et il avait magnifiquement réussi dans ce registre. Mais au-delà de la question du logement, ils divergeaient encore ; l’Abbé Pierre reconnaît qu'ils ne s'adressaient pas au même public : " Emmaüs a d'abord accueilli essentiellement des hommes. Avec les femmes, ça a été plus difficile. Ceux qui s'occupent des gens de la rue le savent : une femme malheureuse qui a tout perdu restera plus longtemps isolée qu'un homme."[2] . Joseph Wresinski, lui, a agi pour améliorer la situation des femmes d’abord car elles sont le dernier rempart dans une situation d’extrême misère.

" Les hommes peuvent se reconnaître semblables les uns des autres. C’est une première condition qui fait qu’ils peuvent changer ensemble presque sans y prendre garde. [...] Donnons leur la possibilité d’échanger des valeurs à égalité.".

Rendre aux exclus une terre natale, Réunion de volontaires autour de Christian Debuyst, 8 décembre 1962, Écrits et paroles, t1, p. 142.

" Dans notre travail, nous rejoignons tous ceux qui ont foi en l’homme ; non pas simplement dans l’homme individu, mais dans l’homme inscrit dans les structures d’une communauté. C’est un combat de tous les temps et dont il ne faut pas s’étonner qu’il demeure difficile, mal compris, même par les populations dont nous nous occupons."

Assises des volontaires, 28 septembre 1964, Écrits et paroles, t1, p. 263.

" On dit que les Sous-Prolétaires mettent le désordre partout. Ce n’est pas tout à fait exact. Par leur existence, par leur présence, ils posent des questions essentielles ; celles auxquelles notre ordre ne répond pas. Ce que nous entrevoyons comme un désordre, est, en réalité, un ordre nouveau.".

ATD Science et Service et inspiration évangélique,

Conférence à l’Institut d’Etudes Théologiques de la Compagnie de Jésus, Bruxelles, 1975.

" Un jour, en sortant avec une mère de famille de la Caisse d’allocations familiales, celle-ci me disait : " C’est curieux, aujourd’hui, on m’a bien traitée, on ne s’est pas moqué de moi. C’est peut-être parce que vous étiez là ?" . Pour faire valoir ses droits, il faut d’ailleurs les connaître. Pour remplir les papiers il faut lire et écrire. Pour plaider sa cause, il faut aussi savoir parler, se défendre. Tout cela très peu de sous-prolétaires savent le faire.".

Quart-Monde et droits de l’homme, Conférence à Bourg la Reine, 19 octobre 1973.

Extraits du livre :

Agir avec Joseph Wresinski.

L’engagement républicain du fondateur du Mouvement ATD Quart Monde .

Editions chronique sociale-2008- 320 p.

En vente aux éditions chronique sociale, aux éditions Quart Monde et en librairie. 16,90 euros


[1]. Abbé Pierre, Testament, Éditions Pocket 1994, p. 124.

[2]. Idem p. 125.

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