Liberté - que peut-on en conclure pour la liberté ?
38. Que peut-on en conclure pour la liberté ?
" La liberté c’est le droit". Celui de tout être humain d’être inséré et actif dans la société dans laquelle il vit. Une évidence pour Joseph Wresinski mais pas pour tous.
La liberté pour Joseph Wresinski ? Pas du tout un rapport entre les désirs et les satisfactions si prégnants dans ce monde de consommateurs effrénés. Au contraire, la capacité à faire un projet et à mobiliser autour de ce projet. Un projet hors norme, à bien des égards semblable à celui des révolutionnaires de la révolution française : faire advenir un monde nouveau, tenir compte de ceux que le Tiers-Etat n’a su ni représenter ni défendre, écouter ceux que le monde ouvrier ignore, éduquer ceux que l’école n’enseigne pas, donner des responsabilités véritables à ceux qui ont des droits, alors même qu’il s’agissait des droits conditionnels, tel fut dès 1957 le projet fou de Joseph Wresinski. Sa liberté sera de s’y atteler sans relâche pour concevoir un pauvre indivisible avec des droits indivisibles, indissociable des autres hommes dans une humanité unie et cependant diverse.
Victor Hugo a encore raison lorsqu’il s’écriait à l’Assemblée législative : si nous sommes égaux par la naissance, nous sommes libres par l’âme. Et c’est encore Joseph Wresinski, libre par l’âme, qui osa se poser la question de l’imposition à tous les pays, comme un préalable, de nos Droits de l’Homme qui lui semblaient, à lui, si universels.
Textes choisis
" Ces populations m'ont fait découvrir les réalités vécues qui unissent les plus pauvres à travers les cultures et les continents et qui signifient la même condition de hors-droits, partout. Des réalités qui les ont conduits à se choisir le nom de " Quart-Monde", peuple en dehors de tous les mondes que se sont forgés les autres. Je témoignerais aussi du refus qu'opposent à cette condition de misère, les victimes et ceux qui se sont rangés à leur côtés. Refus qui semble reposer, sous tous les horizons sur une conception de l'homme comme ayant droit à des responsabilités et aux moyens de les assumer, pour le bien de tous. Une conception d'un homme indivisible en lui-même et pour cela détenteur de responsabilités et de droits indivisibles. Mais aussi, d'un homme indissociable des autres, partie prenante d'une humanité indivisible et où le plus pauvre doit pouvoir participer à la mission commune. [...] N’est-ce pas la chance que nous offrent les plus pauvres de nous aider à recentrer nos combats et à nous reposer les vraies questions ? Ils nous font comprendre qu’il ne s’agit pas de connaître les ressources économiques à la disposition de la mise en œuvre de nos déclarations. Eux, nous demandent de savoir si nous croyons que tout homme est un homme digne de responsabilité pour le bien des autres. Et l’expérience démontre que c’est à partir de là que peut être abordée la question du droit de l’homme de partager les responsabilités et les droits que la culture de son environnement accorde à la plupart. Surgit alors nécessairement la question des droits inaliénables de tous les hommes. Mais ce n’est qu’à la fin d’une interrogation sur la vie des plus pauvres, que les Droits de l’Homme peuvent être reconnus sans réticence. Ne serait-ce pas une expérience à retenir, puisque l’histoire nous dit que les imposer comme un préalable pose réellement problème dans bien des cultures à travers le monde ?".
Les plus pauvres, révélateurs de l’indivisibilité des droits de l’homme,
Cahiers de Baillet, Editions Quart Monde, 1998, p. 48.
Extraits du livre Agir avec Joseph Wresinski, éditions chronique sociale 2008