Billet d'humeur sur le débat concernant l'identité nationale
Lorsqu’on veut se poser de l’identité nationale - comme nous le propose un ministre - et surtout lorsqu’on parle d’en faire un sujet de débat que veut-on dire ?
L’identité nationale me semble personnellement être un fait.
Ce fait découle bien entendu de notre histoire mais aussi de nos lois. Pour un individu, c’est simple, avoir la nationalité française veut dire posséder une carte d’identité française. Que ce soit sans avoir jamais manifesté sa volonté de devenir français - pour la plupart d’entre nous qui sommes nés français- ou que ce soit après avoir manifesté sa volonté de devenir français et avoir subi toutes sortes de tracasseries administratives pour les naturalisés. Il n’y a pas là matière à débat sauf à vouloir revenir qui ce qui fonde notre droit national, à vouloir légiférer à nouveau sur ce sujet. Il y a sans doute à s’interroger sur les difficultés engendrées dans les familles issues de l’ancien département d’Algérie lors de la réforme du code de la nationalité de 1993, et le sentiment d’exclusion né à ce moment là, très perceptible même chez les très jeunes élèves de collège dont les parents étaient d’origine algérienne et qui jusque là n’avaient pas à exprimer leur volonté explicite de devenir français, ils l’étaient automatiquement comme nous. Il y a aussi à s’interroger sur la persistance de l’esprit des lois de Vichy concernant les tsiganes (car le carnet de circulation a remplacé en 1969 le carnet anthropométrique) favorisant ainsi la non reconnaissance de leur mode de vie et les excès de zèle de certaines Mairies qui refusent de leur délivrer une pièce d’identité française au motif qu’ils n’ont pas d’adresse considérée comme valable, mais aussi parce qu’ils ont un carnet de circulation à faire viser tous les trois mois par les gendarmes. Or si les Mairies jugent à tort, ce carnet suffisant, les banques ne les connaissent pas et les employeurs s’en méfient. Concernant les tsiganes, c’est par le biais de la protestation des associations qu’on a abouti à une circulaire ministérielle pour inciter les secrétaires de Mairie à délivrer leurs cartes d’identité française aux tsiganes qui en font la demande. A-t-on supprimé pour autant le zèle de certaines de ces personnes imbues d’un pouvoir de discrimination important et qui se considérant (sur ordre du Maire ou sans ordre du Maire) au dessus de « ces français de seconde zone » multiplient abusivement les obstacles à l’obtention de leurs droits ? Pas sûr.
Normalement l’égalité des citoyens est la règle dans notre République. Bien sûr il reste à faire reconnaître cette égalité dans bien des situations.
Voudrait-on, en incitant au débat, favoriser l’émergence de nouvelles conceptions de notre identité, promulguer d’autres lois facilitant l’acquisition de la nationalité française ?Ou plus certainement, veut-on restreindre l’accès à l’identité française pour certains groupes de population, définir les immigrés qui sont indésirables? En quelque sorte, faire dire au peuple qu'il veut une fermeture de nos frontières au lieu d’une ouverture ! Cela serait conforme au choix de la politique de l’immigration choisie et à l’esprit de la réforme du code de la nationalité de 1993.
Veut-on au contraire parler du lien social, des valeurs qui nous sont communes, de la façon de vivre ensemble, veut-on s’interroger sur la manière de favoriser les échanges, envisager de rassembler tous ceux qui, vivant sur le sol français et possédant la nationalité française ou non se sentent pareillement exclus du pays pour les écouter? Aura-t-on pour but de réduire les inégalités sociales, de donner sens à la présence des nouveaux arrivants? Au fond veut-on faire participer, écouter, entendre, rendre justice à tous ?
Il y a à craindre- et bien des observateurs s’en inquiètent- qu’il ne s’agisse pas de ces dernières espérances, mais encore d’une concession aux extrémistes avec des arrières pensées électorales.
Pour moi, je reconnais le sens d’une certaine identité française qui me convient et qui correspond aux valeurs de notre République, dans l'état d'esprit de certains de mes concitoyens : quand des enseignants prennent des risquent pour défendre la qualité de l'école et l'accès au savoir pour les enfants en difficulté, quand des syndicats ou des associations posent la question de la présence des services publics dans les quartiers et les zones rurales, quand des associations et des individus se réunissent chaque année le 17 octobre pour reconnaître et célébrer les luttes des plus pauvres pour leur famille et leurs enfants , quand je vois des associations s’unir pour le droit au logement pour tous, quand j’entends à la radio que des personnes se sont mobilisées pour contester les arrestations de parents en situation illégale devant les écoles, quand je lis qu’ici ou là d’autres personnes ont aidé un sans-papier à vivre et à faire des démarches, quand on m’apprend qu’un agriculteur a vendu un terrain à un tsigane pour qu’il puisse y installer sa caravane et qu’enfin je lis par exemple les réponses à un sondage effectué au printemps 2006 par le Pew Reseaarch Center à Washington dans le cadre du « Global Attitude Project » cité par Patrick Weil, dans son livre, Liberté, égalité, discriminations en page 188.
A la question : Selon vous est-il incompatible d’être musulman pratiquant et de vivre dans une société moderne? les réponses ont été les suivantes ( Je les trouve significatives , au moins pour notre pays) : Les américains des USA ont répondu (42 % non, ce n’est pas incompatible et à 40% oui, c’est incompatible); les Allemands (26% non, ce n’est pas incompatible et 70 % oui, c’est incompatible); les Britanniques (35 % non, ce n’est pas incompatible et 64 % oui, c’est incompatible); et les Russes (30% non, ce n’est pas incompatible et 56 %, oui c’est incompatible); et les Espagnols (36 % non, ce n’est pas incompatible et 58 % oui, c’est incompatible). les Français ont répondu à (74% non, ce n’est pas incompatible et 26% oui, c’est incompatible); Ces réponses sont à peu près identiques pour les musulmans de France (72% non, ce n’est pas incompatible et 28% oui, c’est incompatible). Il me semble qu'on peut constater que les pays qui "programment" le droit à la différence, qui sont favorables à la communautarisation récoltent le rejet de l'autre, ou à tout le moins la défiance?
Nous n'avons pas ce travers, pourquoi chercher à l'acquérir ?
Chez nous ce n'est pas que la défiance, le rejet de l'autre n'existent pas, mais à l'évidence ce sont des sentiments d'une part minoritaire de la population, instrumentalisée par les extrêmistes. Et surtout ces réactions ne sont pas légitimées par les lois à cause de la laïcité qui accepte toutes les religions si elles restent dans le registre de la vie privée et n'interfèrent pas dans la politique. Notre devise républicaine : liberté , égalité , fraternité dont il semble qu'un grand nombre de Français soient encore pétris a encore de la valeur. Si nous pouvons avoir un souhait c'est que dans ce débat, s'il a lieu malgré tout, chacun s'interroge sur la place qu'il fait à l'autre, celui qui est de convictions différentes , de moeurs différentes, qui a des amitiés différentes, sans tomber dans le communautarisme qu'on semble vouloir nous imposer comme une solution !!! Sachons donc être différents de nos différences comme nous avons su l'être dans le passé. Je pense que pouvons donc continuer à nous battre, en France, pour que malgré les difficultés de la vie quotidienne, un grand nombre de personnes se dresse pour refuser toutes les discriminations présentes et à venir et non pour définir une " je ne sais quelle façon d'exprimer une identité nationale" qui n'aurait d'autre but que de se protéger des " étrangers".
Marie-Hélène Dacos-Burgues
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