Film "Walter retour en résistance"
Le retour en résistance est celui de Walter Bassan, résistant dés l’âge de 17 ans, déporté à Dachau pour faits de résistance. Ce retour en résistance s’explique par de solides convictions qui perdurent alors que Walter a 82 ans. Il s’alimente auprès des jeunes qu’il accompagne à Dachau, et se nourrit de toutes les questions naïves et généreuses posées par les enfants de Haute-Savoie lors des nombreuses interventions pédagogiques qu’il fait dans les écoles primaires, les collèges et les lycées. Un tel homme est résistant par nature, même s’il avoue, avec une grande honnêteté morale et intellectuelle, qu’à 17 ans il était sous l’influence des conceptions de sa famille (son père italien avait fui le fascisme italien). Il dira même avoir été totalement ignorant des conséquences et de la portée de son engagement : « À 17 ans c’était un peu un jeu ». Un homme debout ! Cet homme est visiblement aussi un vieillard tranquille. Aucune haine à l’égard de personne. Il montre les lieux où il distribuait des tracts, le lieu de son emprisonnement local. Il visite avec les jeunes et le cinéaste le camp de Dachau. Il évoque la solidarité dans les camps et la cuillerée de soupe que chacun prélevait sur sa propre gamelle pour soutenir les plus faibles. Il parle des morts. Il ne se pose pas comme un héros. Il explique simplement que lui-même a survécu alors que son frère est mort en déportation simplement parce qu’il était plus solide, moins fragile. Il souligne les valeurs défendues par la Résistance. Il se réfère au programme national du Conseil de la Résistance pour l’après guerre cosigné par les gaullistes et les communistes prônant la nationalisation de tous les secteurs vitaux de l’économie, la création de la sécurité sociale, la retraite par répartition et exigeant que les grands médias échappent au contrôle des puissances de l’argent ! Un rappel très émouvant.
Ce qui touche d’abord c’est l’amitié de cet homme avec ses voisins : L’écrivain anglais John Berger et le cinéaste Gilles Perret. Ils se rencontrent naturellement en résistance contre ce qui leur semble insoutenable dans les actions politiques de leur époque et qui se déroulent dans leur région, au plateau des Glières haut lieu de la résistance. Conversation traditionnelle de râleurs ? Apparemment oui. Mais leur originalité c’est qu’ils ne seront ni fatalistes ni passifs. Qui pourrait le leur reprocher ? Et c’est donc à leur crédit qu’il faut mettre cette capacité à mobiliser, à protester, à réaliser un rassemblement pacifique au plateau des Glières justement. De nombreuses familles avec enfants (quatre mille personnes) et des personnalités de la résistance comme Stéphane Hessel et Raymond Aubrac venus joyeusement faire hommage aux morts de la guerre sur ce plateau, se tournent vers l’avenir. Ces résistants ont réussi là à donner corps au message qu’ils avaient lancé en 2004 aux jeunes générations : « Pour résister et créer », message passé inaperçu à l’époque dans l’indifférence totale des médias et du grand public. C’est au cours de ce rassemblement que Stéphane Hessel dialogue, après les discours, avec une petite fille Kosovar pour lui expliquer la nécessité de pardonner ! Un film simple, très apaisant, réconfortant et porteur de valeurs non démodées.
Disons en outre que les personnes qui dévoilent dans ce film leur quotidien nous interpellent au plus intime de nos convictions par leur simplicité. Si nous sommes parfois agacés par l’accumulation de cérémonies mémorielles au dépend d’une vraie réflexion sur l’avenir, nous ne trouverons rien de tel dans ce film. Il s’agit bien sûr d’un film à thème, celui d’un cinéaste militant qui met en scène - mais très peu - la vie de cet autre militant qu’est Walter Bassan. On a reproché cette audace au réalisateur. On lui a aussi reproché d’établir un parallèle entre notre époque actuelle et l’époque troublée de la dernière guerre mondiale. Ce refus du fatalisme, ce besoin de résistance a été précisément ce qu’a apprécié un homme comme Stéphane Hessel : « Il faut absolument défendre les valeurs fondamentales et c’est là qu’un portrait comme celui de Walter Bassan est un merveilleux exemple de ce contre quoi il faut résister aujourd’hui » .
Le parallèle entre les années actuelles et les années de la seconde guerre mondiale est d’ailleurs toute la force du cinéaste dont la spécialité est d’évoquer les problèmes du monde à travers des personnages de son entourage. Avec en prime la force tranquille, la distance et la capacité d’analyse du principal acteur!!! Tout se passe en Haute-Savoie ou au camp de Dachau avec des lycéens de Haute-Savoie. Le film est très local et il a cependant une portée universelle, par son contenu, mais aussi par ce qu’il montre l’usage qu’on peut faire, de nos jours, de la liberté d’expression en utilisant des moyens simples comme la vidéo qui est à la portée de toutes les associations.
Raymond Aubrac a conclu : « C’est un film magnifique, une leçon de civisme, d’humanité et de courage. Un élan d’optimisme » .
C’est ainsi que nous l’avons reçu !
Marie -Hélène Dacos-Burgues article publié dans Revue Quart-Monde N° 213
Onzième film documentaire de Gilles Perret 2009.