mercredi 27 octobre 2010

Film : « illégal »

Ce qui est douloureux dans ce film c’est l’écrasement des personnes que nous ressentons fortement tant le jeu des acteurs est efficace.
Illégal est un film qui se passe en grande partie dans un centre de rétention administrative pour familles, en Belgique. Les gens qui sont là n’ont rien fait de répréhensible sauf qu’ils sont sans papiers. Le centre n’est pas une prison mais ce qui s’y passe est bien pire. C’est au point qu’une jeune geôlière, qui a besoin de son travail pour nourrir ses enfants, quitte son uniforme sur un coup de tête et s’en va après une violence de plus qu’elle ne peut admettre.
Le personnage principal du film est Tania, une russe qui parle parfaitement le français, qui a un travail mais pas de papiers. On ne saura pas pourquoi Tania et son fils Ivan de huit ans ont quitté la Russie. Mais on saura qu’elle ne veut pas y retourner au point de brûler les empreintes digitales de tous ses doigts. On saura aussi qu’elle envie son amie, biélorusse, la croyant en meilleure posture qu’elle pour avoir de vrais papiers ! Mais cette dernière reste énigmatique lorsqu’elles en parlent. En attendant Tania est soumise à un maffieux qui n’ignore rien des ficelles de son trafic car il lui a fourni de faux papiers. La situation dure depuis huit ans. Une fois Tania oublie d’être prudente : elle parle en russe avec son fils dans un bus. C’est à partir de son arrestation que sa résistance prend de l’épaisseur. Elle ne veut pas dire qui elle est, espérant de cette façon être relâchée. Elle ne fait que prolonger son séjour au centre de rétention. Refusant d’entraîner son fils dans cette galère, elle attend avec d’autres des décisions à son sujet. Enfin lorsqu’elle est menacée, elle finit par donner comme identité celle de son amie. Hélas. Alors la situation empire car son amie n’avait pas demandé de papiers sachant qu’elle devrait être renvoyée en Pologne, dernier pays où elle avait demandé l’asile, ce que Tania ignorait. On remarquera le rôle des psychologues qui agissent dans les procédures d’expulsion pour obtenir l’accord de la personne à expulser ! Le personnage de Aïssa malienne victime d’une violence physique incompréhensible est attachant. Ce qui ressort de ce film c’est qu’un si grand nombre de personnes soient traités avec aussi peu d’humanité, avec aucune visibilité sur leurs droits ni sur les procédures qui lui seront appliquées. Tania est laissée totalement seule car à partir du moment où son avocat ne peut connaître son identité il ne peut pas l’aider. Une violence morale insoutenable accompagne la violence de l’enfermement avec des stations à la cabine téléphonique qui sont autant de stations de chemins de croix car le jeune Ivan a des difficultés incontournables dehors et risque de mal tourner. L’ensemble est poignant comme est poignante l’indifférence des passants qui longent le centre sans savoir ce qui s’y passe. Le film a le mérite d’illustrer la rétention administrative d’un jour nouveau. Il ne s’agit plus comme dans Welcome de personnes ne parlant pas la langue et n’ayant aucun travail, en attente du passage au Royaume Uni. Il s’agit de personnes qui ont choisi la Belgique pour y vivre. Ici, toutes les conditions de l’intégration étaient réunies pour cette mère comme pour son fils qui est scolarisé normalement. On ne comprend pas ce système qui paraît dés lors « illégal » !! et hors du champ des droits de l’homme.
Marie-Hélène Dacos-Burgues


Marie-Hélène Dacos-Burgues
Film écrit et réalisé par Olivier Masset-Depasse, Belgique, 2010, Avec Anne Coesens, Esse Lawson, Gabriella Perez, Alexandre Gontcharov, Christelle Cornil, Olga Zhdanova, Tomasz Bialowowski ..

lundi 18 octobre 2010

Film : Poetry

Un film coréen dont le fil conducteur est la poésie.
Le film est du genre méditatif bien qu’il montre la dualité du monde, sa noirceur et sa beauté. Il commence avec les bouillonnements de l’eau d’un fleuve, des enfants qui jouent au bord de l’eau et la découverte d’un cadavre qui flotte au fil de l’eau.
Mija est une coréenne de 66 ans qui aime être bien habillée, vit seule avec son petit fils dont elle a la charge complète. On voit d’abord Mija consulter un médecin pour des pertes de mémoire puis chercher à s’inscrire à un cours de poésie. Mija est fascinée par la beauté de la nature et par les fleurs. Le film, malgré une lenteur à laquelle nous ne sommes plus habitués fait entrer dans la vie de Mija, voit le monde à travers ses yeux, entre dans son âme en nous laissant la liberté d’imaginer beaucoup de choses. Le beau et le laid se mélangent dans cette vie de façon inextricable. Le professeur de poésie a une théorie qui sert de base à la formation qu’il dispense et qui peut se résumer à ceci : « Il faut d’abord apprendre à décrire une pomme ». Voir, Mija sait déjà, mais il faut pouvoir mettre en mots ce qu’on voit. Or Mija commence à être atteinte de la maladie d’Alzheimer. Pour arriver à écrire son premier poème elle prend des notes au sujet de ce qu’elle regarde. Le club de lecture de poèmes avec les blagues salaces d’un policier ne comblent pas non plus son attente. Et que dire de son petit fils, branché sur son ordinateur et sa chaîne hifi, qui la considère comme une moins que rien ! Elle n’a comme relation que le vieux monsieur qu’elle appelle Président et dont elle est l’aide ménagère. Elle lui donne le bain, fait le ménage. Elle apprend que la noyée est une collégienne de l’école de son petit fils. Celui-ci, questionné ne sait rien, et puis il ne parle jamais avec sa grand-mère. Mija va savoir : le viol collectif et le suicide de la jeune fille. Presque tout bascule alors dans sa vie. Dans une solitude immense elle va continuer à vivre et à chercher à répondre à ces pères d’adolescents qui, avec la complicité du chef d’établissement, veulent éviter à tout prix le scandale. Rien n’est linéaire dans la vie de Mija. Tout est complexe et paradoxal et léger. Il n’y a aucun calcul. Même la détermination ne pèse pas. L’attitude avec le vieux président, celle avec sa fille qu’elle avertit très tardivement, celle avec son petit fils qu’elle prépare à aller en prison sans le lui dire mais en lui demandant simplement de se laver pour la venue de sa mère, tout reste dans le non dit. Seule la jeune fille morte semble lui tenir compagnie et l’aider dans ses choix. C’est enfin le seul poème qu’elle réussit à écrire, se mettant à la place de cette petite. Toutes sortes de correspondances dans les images soulignent le propos du film pour en faire une oeuvre de poésie, vraiment. Ce film a eu le prix du scénario au festival de Cannes 2010.
Marie-Hélène Dacos-Burgues

Film de Corée du Sud de Lee Changdong, 2010, avc Yun Jun-hee, Lee David, Kim Hira, Ahn Nae-sang,