Film : « illégal »
Ce qui est douloureux dans ce film c’est l’écrasement des personnes que nous ressentons fortement tant le jeu des acteurs est efficace.
Illégal est un film qui se passe en grande partie dans un centre de rétention administrative pour familles, en Belgique. Les gens qui sont là n’ont rien fait de répréhensible sauf qu’ils sont sans papiers. Le centre n’est pas une prison mais ce qui s’y passe est bien pire. C’est au point qu’une jeune geôlière, qui a besoin de son travail pour nourrir ses enfants, quitte son uniforme sur un coup de tête et s’en va après une violence de plus qu’elle ne peut admettre.
Le personnage principal du film est Tania, une russe qui parle parfaitement le français, qui a un travail mais pas de papiers. On ne saura pas pourquoi Tania et son fils Ivan de huit ans ont quitté la Russie. Mais on saura qu’elle ne veut pas y retourner au point de brûler les empreintes digitales de tous ses doigts. On saura aussi qu’elle envie son amie, biélorusse, la croyant en meilleure posture qu’elle pour avoir de vrais papiers ! Mais cette dernière reste énigmatique lorsqu’elles en parlent. En attendant Tania est soumise à un maffieux qui n’ignore rien des ficelles de son trafic car il lui a fourni de faux papiers. La situation dure depuis huit ans. Une fois Tania oublie d’être prudente : elle parle en russe avec son fils dans un bus. C’est à partir de son arrestation que sa résistance prend de l’épaisseur. Elle ne veut pas dire qui elle est, espérant de cette façon être relâchée. Elle ne fait que prolonger son séjour au centre de rétention. Refusant d’entraîner son fils dans cette galère, elle attend avec d’autres des décisions à son sujet. Enfin lorsqu’elle est menacée, elle finit par donner comme identité celle de son amie. Hélas. Alors la situation empire car son amie n’avait pas demandé de papiers sachant qu’elle devrait être renvoyée en Pologne, dernier pays où elle avait demandé l’asile, ce que Tania ignorait. On remarquera le rôle des psychologues qui agissent dans les procédures d’expulsion pour obtenir l’accord de la personne à expulser ! Le personnage de Aïssa malienne victime d’une violence physique incompréhensible est attachant. Ce qui ressort de ce film c’est qu’un si grand nombre de personnes soient traités avec aussi peu d’humanité, avec aucune visibilité sur leurs droits ni sur les procédures qui lui seront appliquées. Tania est laissée totalement seule car à partir du moment où son avocat ne peut connaître son identité il ne peut pas l’aider. Une violence morale insoutenable accompagne la violence de l’enfermement avec des stations à la cabine téléphonique qui sont autant de stations de chemins de croix car le jeune Ivan a des difficultés incontournables dehors et risque de mal tourner. L’ensemble est poignant comme est poignante l’indifférence des passants qui longent le centre sans savoir ce qui s’y passe. Le film a le mérite d’illustrer la rétention administrative d’un jour nouveau. Il ne s’agit plus comme dans Welcome de personnes ne parlant pas la langue et n’ayant aucun travail, en attente du passage au Royaume Uni. Il s’agit de personnes qui ont choisi la Belgique pour y vivre. Ici, toutes les conditions de l’intégration étaient réunies pour cette mère comme pour son fils qui est scolarisé normalement. On ne comprend pas ce système qui paraît dés lors « illégal » !! et hors du champ des droits de l’homme.
Marie-Hélène Dacos-Burgues
Marie-Hélène Dacos-Burgues
Film écrit et réalisé par Olivier Masset-Depasse, Belgique, 2010, Avec Anne Coesens, Esse Lawson, Gabriella Perez, Alexandre Gontcharov, Christelle Cornil, Olga Zhdanova, Tomasz Bialowowski ..
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