mercredi 1 décembre 2010

Film : La tête en friche

Un film de Jean Becker

On a tous entendu parler d’un homme qui, enfant, a été tête de turc de son maître d’école. C’est le cas du héros du film, Germain, un homme dans la force de l’âge quasiment analphabète.
Il a trouvé sa place dans la société, il a des amis ouvriers comme lui, il fait son jardin et vit dans une caravane au fond du jardin de sa mère. Il a même une petite amie à qui il donne assez peu d’attention. Ses difficultés avec l’écrit et le livre ne transparaissent guère dans son quotidien sauf qu’il est réputé être un benêt dont on peut se moquer. Sa véritable difficulté à être vient plutôt des aspects affectifs plus profonds dans sa vie. Outre le fait qu’il a eu un patron qui ne le payait pas, Germain est un homme à qui la vie n’a pas fait de cadeau … pas de père et une mère qui l’a toujours accablé. Les flash-back sont un peu grossiers. Le maître d’école est odieux comme il est difficile de l’imaginer, la mère de même. Utilisés comme des loupes déformantes, ces flash-back évoquent la relation douloureuse à une mère qui le repousse et le rabroue constamment, la relation douloureuse avec le maître d’école cruel et cynique. Ce sont des moyens pour faire comprendre la sensibilité particulière qu'il a développée en réponse à ces traumatismes. Les images, dans la tête en friche de Germain, faute de mot pour dire les choses vécues, se bousculent et prennent des proportions effrayantes.
Au quotidien, Germain s’est attaché à des pigeons d’un square et fait la rencontre d’une vieille dame de 95 ans, Margueritte, manifestement d’un autre milieu que lui et qui le regarde d’un oeil neuf. Petit à petit ils s’installent dans une relation tendre. La vieille dame se met à lui lire des histoires : la peste de Camus , la promesse de l'aube de Romain Gary.
C’est un film d’humaniste remarquable par sa fraîcheur, sa justesse de ton et la finesse de jeu des deux acteurs principaux. Cette incursion dans le monde ouvrier est trop rare pour être boudée malgré quelques facilités dans le tableau de l’ambiance et les dialogues. Les efforts de Germain pour utiliser le dictionnaire que lui a offert la vieille dame sont à la fois comiques et émouvants, ils sont si vrais !! Germain dit en rendant le dictionnaire qu’il juge inutile pour lui : « Si on ne sait pas comment s’écrit un mot, on ne le trouve pas dans le dictionnaire». Cependant il s’est initié à la compréhension du monde par la lecture et à la joie que procurent les mots, il s'est en quelque sorte éduqué aux sentiments d'autrui.
Marie-Hélène Dacos-Burgues

film français, 2010, de Jean Becker avec Gérard Depardieu, Gisèle Casadesus. à partir du livre de Marie-Sabine Roger."La tête en friche"

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