lundi 28 juin 2010

Film : l'autre rive

Le héro du film est un enfant de douze ans.
Une guerre oubliée entre la Géorgie et l’Abkhazie, après la chute du mur de Berlin et le délitement de l’Union Soviétique, sert de toile de fond à ce film. L’Abkhazie est devenue indépendante en 1992. L’enfant Tedo et sa mère ont dû quitter l’Abkhazie. Ils vivent à Tbilissi. dans les faubourgs de la capitale de Georgie.
Que peut faire un gamin de douze ans, abkhaze, réfugié politique à Tbilissi confronté à la prostitution de sa mère sinon se lancer lui-même dans une délinquance qu’il supposera un temps salvatrice ? L’amitié de Tedo avec un autre enfant Tzupak a pour décors des ruines de béton et de ferraille. Amitié tissée de ces petits riens qui font la vie. La hiérarchie des âges tient lieu de règles morales. On partage certes mais on partage suivant l’ancienneté dans la délinquance et donc suivant les âges, sans vraiment avoir de la malice. Même les bons conseils sont facturés !
Lorsque le rêve de changer la vie dans ce faubourg de Tbilissi finit par se montrer trop irréel, Tedo décide de rentrer seul au pays à la recherche de son père. Le film est donc un film d’aventure sur la route… avec ses bonnes et mauvaises rencontres et surtout une réalité tout aussi dure que celle vécue à Tbilissi.
L’enfant est affublé d’un véritable strabisme. Comme si ce défaut naturel venait souligner la dureté de l’Union Soviétique.
Tedo ne connaît aucune des langues qui lui seraient utiles à Tkvarcheli (ville d’Abkhazie ) où il se rend : ni le russe ni sa langue maternelle, si bien qu’en retournant chez lui il passe pour un de ces étrangers honnis, un géorgien. Il n’a que les conseils de son ami : se faire passer pour sourd muet et il se protége au moyen de réflexes archaïques ( lorsqu’il a peur il ferme très fort ses yeux … pour ne pas voir, ni entendre). C’est au moment de passer les frontières multiples et confuses que l’on voit des hommes russes tuer par cupidité. Notons que les personnes qu’il rencontre ne sont pas toutes hostiles, loin de là.
Un film sur la pauvreté, la corruption, le méfiance vis-à-vis de l’étranger, mais ce n’est pas un film noir. Le sentiment d’empathie qui conduit à la protection d’un petit bien désarmé et très courageux existe chez les protagonistes. De la grande histoire abordée par les petits détails de la vie d’un enfant…
Marie-Hélène Dacos-Burgues

samedi 19 juin 2010

Film. Tengri, le bleu du ciel.

Au cœur de l’Asie centrale, à l’époque contemporaine, une jeune fille Kirghize et un pécheur Kazakh vont vivre un amour impossible. Les traditions anciennes, les paysages, l’histoire récente de l’Union soviétique et le réalisme font partie de l’histoire.
Le jeune homme, Temür, expulsé de Calais par la France, arrive dans un village de yourtes qui date d’un autre temps à la recherche de celui que l’on pense être son père et qui n’est plus là. Le chef du village accepte cependant que le jeune homme reste avec eux un certain temps. Temür est beau, mystérieux et travailleur.
Une jeune femme, Amira, mariée de force - pour des raisons économiques - à un homme englué dans une religion paralysante, essaie d’échapper à l’attirance qu’elle éprouve pour le beau Temür, cet inconnu. Dans une nature encore primordiale, l’extrême beauté des femmes du groupe, leurs tenues vestimentaires, leur quotidien et surtout leurs amitiés désespérées forment un écrin pour cette histoire d’amour singulière. Deux autres personnages sont attachantes, d’abord l’amie d’Amira soumise elle aussi à la dure loi des hommes, puis la belle-mère d’Amira qui comprend merveilleusement sa belle fille. Enfin un jeune adolescent représente l’espoir d’un changement dans une vie figée. Il est l’homme de l’avenir tout en contraste avec ses ancêtres : il ira faire des études à la ville et il se lie d’amitié avec le couple maudit.
La famille, là, pèse d’un poids énorme. C’est la recherche de la liberté malgré tout qui donne tout son sens à ce film, plus que les paysages magnifiques.
Une réflexion utile sur les conflits de loyauté qui pèse sur certains jeunes de nos cités.

Ce film a obtenu le prix du public au 23 ième festival du Film romantique de Cabourg en 2009, il a obtenu le prix du coup de Cœur du Public au festival du film de Tunis en 2009, il a obtenu le Grand Prix du public au festival du film de Sarlat en 2009, Il a fait partie de la sélection hors compétition du festival de Cannes.

Marie-Hélène Dacos-Burgues

samedi 12 juin 2010

Film "Huit fois debout"

Ce film est un film sur la fragilité.Il traite des grandes et petites choses de la vie de notre époque : le chômage, les couples défaits, la solitude de gens jeunes, les rencontres tristes ou lumineuses. Il montre les entretiens d’embauche et les effets de ces séances sur les aspirants à l’emploi, un pan méconnu du monde du travail. Malgré cela ou plutôt à cause de tout cela, c’est un film qui fait du bien. Il va au fond des choses et ne rate pas l’essentiel, la sensibilité des êtres que notre société persiste à voir comme des perdants. C’est un heureux complément à la lecture du livre de Florence Aubenas (Le quai de Ouistreham, Éditions de l’Olivier, 2010).
Elsa est un mère qui n’a pas été jugée digne de s’occuper de son fils. Trop fragile, incertaine, peu fiable ! Elle se bat contre cette image d’elle-même, accrochée à son fils comme à une bouée de sauvetage. Personne autour d’elle pour l’aider.
Son voisin de palier, Mathieu, n’est pas mieux loti qu’elle. Il veut croire que le sort va lui sourire. Tous les deux vont d’entretien d’embauche en entretien d’embauche. Ils se perdent de vue puis se retrouvent. « Sept fois à terre et huit fois debout » telle est leur devise. Celle aussi de tous ces « travailleurs de l’ombre », et des sans-travail que nous reconnaîtrons tous dans notre entourage si nous le voulons.

Marie-Hélène Dacos-Burgues
Film écrit et réalisé par Xabi MOLIA, France 2009, avec Julie Gayet, Bruno Podalydès, Mathieu Busson, Kevyn Franchon.