vendredi 18 janvier 2013



Film Ombline
Film franco-belge  de Stéphane Cazes  - 2012.
Ce premier film[1] ne s’interdit aucun défi. C’est un film sur l’amour maternel, sur la vie des femmes en prison, sur la rédemption. Et il est réussi.
La prison, on est dedans pendant tout le film comme dans un documentaire. Ombline y est incarcérée pour avoir agressé les policiers qui ont causé la mort de son compagnon, un jeune dealer. Sa peine est d’une durée de trois ans. Le film couvre la totalité de cette peine, et la sortie de prison. La jeune femme n’est pas une délinquante récidiviste. Le malheur s’est abattu sur elle sans qu’elle sache bien comment. Une enfance difficile, l’absence d’une famille structurée et aimante ( pas de mère, père en prison), des rencontres pas très heureuses et le problème d’Ombline - elle régit très violemment face aux injustices - l’ont entraînée là où elle est.  L’actrice qui joue le rôle n’ayant pas le physique d’une femme abîmée par la galère, cela laisse  ouvertes de réelles possibilités d’identification et donc d’empathie avec le personnage. La confrontation d’Ombline avec le système carcéral est très émouvant parce qu’il nous est donné de voir ce que personne ne voit jamais, l’univers carcéral avec les yeux d’une détenue, mais aussi parce qu’Ombline, certes paumée, n’est pas « détestable » dans sa façon de faire. Au contraire, le spectateur est porté tout au long du film  par le point de vue de la détenue et non par le point de vue des matonnes et de l’institution. Un beau rôle, bien habité par Mélanie Thierry.  Condition de cette réussite :  d’abord la connaissance approfondie du sujet traité, mais aussi le fait que l’actrice, Mélanie Thierry, a passé trois mois à Fleury Mérogis, y organisant des ateliers théâtre pour les femmes. Elle s’est imprégnée de leur vécu et cela se sent bien. Les compagnes  ou amies  d’Ombline en prison et hors de prison, sont plus «limites»,  plus typées et très vraies.  
Le film n’est pas seulement un documentaire, c’est une formidable plongée vers l’humain, vers cet  instinct maternel, par ailleurs si controversé. Car en prison,  Ombline se découvre enceinte, accouche et  élève son fils pendant les 18 mois réglementaires. Après on le lui prendra, elle le sait.  L’amour d’Ombline pour son fils est tout entier tendu vers ce moment fatidique où l’on viendra le chercher. C’est d’ailleurs le moment clef, le moment avec lequel le film commence. Cet amour total, sensuel, non réfléchi mais entièrement pensé comme étant d’emblée la seule chose juste sur cette terre de misère, cette attention permanente pour le petit être qu’elle a mis au monde, sert aussi de point d’accroche aux travailleurs de la prison… pour contrôler Ombline, pour obtenir d’elle qu’elle change, pour orienter ses efforts. Et Ombline finit par entrer dans la cadre prescrit. C’est donc quelque part un film sur la rédemption que la société attend d’une détenue «perfectible ».
Nous y voyons quelque chose de  plus.  On donne  à Ombline l’injonction d’être acteur de sa propre vie. Les méthodes utilisées ne semblent pas vraiment les mieux adaptées et Ombline  le dénonce. Ce sont des personnes qui osent déroger un peu à leurs obligations de services qui aident vraiment Ombline.


La dureté est là omniprésente…mais la solidarité trouve malgré tout à s’exprimer. D’abord il n’est pas prévu d’accoucher le Week-end, Les détenues par leur raffut obtiennent qu’on évacue Ombline. Ensuite la présence dans une nursery assez bien équipée, de ces femmes avec enfants n’élimine nullement la difficulté pour les détenues de se faire entendre… Les cris au secours qu’elles poussent très souvent en tapant sur les portes fermées : «  Surveillantes,   Surveillantes »   en sont la ponctuation permanente. Ombline aime son fils. On le lui laisse, c’est bien, mais on ne lui permet pas d’avoir un environnement correct pour lui.  Et  les règles restent les règles. Ayant enfreint les règles, la détenue doit faire du cachot, privant ainsi de son lait son fils qu’une codétenue finit par allaiter.
La grande difficulté est de programmer la sortie de l’enfant à 18 mois. Ombline ne veut pas qu’il aille en foyer.  Son amie  du dehors veut bien prendre en charge l’enfant à sa sortie de prison. Or elle peine à donner des gages de sa fiabilité. Parce qu’elle est tout à coup amoureuse, elle disparaît, obligeant le travailleur social à la juger inapte… et parce qu’au fond elle aurait du mal à s’inventer un charisme maternel qui lui fait défaut, elle renonce à aider son amie.
D’autres personnages accompagnent Ombline :  les matonnes peu sympathiques sauf une, les autres détenues, chacune avec ses rêves et ses difficultés, des travers ou des perversions, l’une rêveuse et optimiste, l’autre réaliste : elle va abandonner son enfant, une autre enfin qui est une véritable terreur.  La famille d’accueil finalement,  est, elle, très humaine. En laissant  à Ombline sa place de maman à part entière, cette famille lui permet  enfin d’envisager sa propre sortie et une reconstruction réelle. Les enfants sont craquants.
Ce film est soutenu par la Ligue des Droits de l’Homme. 
Marie-Hélène DACOS-BURGUES


[1] Avec Mélanie Thierry, Nathalie Bécue, Corinne Masiero, Catherine Salée