samedi 21 juin 2008

Fraternité- comment se manifestait cette fraternité avec les plus pauvres?

42. Comment se manifestait cette fraternité avec les plus pauvres?

Pour le fondateur d’ATD Quart-Monde, la misère était un affront à l’égalité des citoyens entre eux, la négation de l’humanité des pauvres. Pour lever cet affront, une seule solution : Joseph Wresinski a conçu une organisation dont le but serait " la contagion du caractère intolérable de la misère "[1]. Au fond, Joseph Wresinski voulait se donner les moyens de la mixité sociale, d’abord en un lieu, le bidonville de Noisy-le-Grand, lieu symbolique puisque peuplé en grande majorité de Français de souche ! Lieu marquant plus que d’autres les ratées de la démocratie.

Dés les origines, le Mouvement créé par Joseph Wresinski fut tripartite : Il comprend les familles pauvres elles-mêmes, les volontaires engagés sur la longue durée, et les alliés à la périphérie du Mouvement qui tous agissent tant en direction de la société globale qu’en direction des pauvres eux-mêmes, pour que nos démocraties sachent que " tout homme porte en lui une valeur fondamentale qui fait sa dignité d’homme."[2] […]

Selon Benoît Fabiani, volontaire : " Il a cherché des voix qui acceptent de se faire l’écho de ceux qui n’en avaient pas. Il a proposé à tous ceux qu’il rencontrait d’agir là où ils étaient en se rassemblant autour des plus pauvres et de leurs aspirations à un monde sans exclusion."[3]. Et ceux qui ont répondu furent nombreux, sociologiquement très variés. Nous ne pouvons mieux faire que de citer un délégué de l’université populaire du Quart-Monde, qui a connu Joseph Wresinski et a défini d’une certaine manière le portrait type de la manière dont on peut vivre la fraternité avec les pauvres. " Le père Joseph ne voyait pas en nous des pauvres. Il voyait en nous des hommes. Il nous mettait à égalité avec tous les hommes. Et c’est cela qui change tout. Pour lui, la différence entre les riches et les pauvres, entre les instruits et le non-instruits, ce n’était pas que les uns étaient plus valables ou plus intéressants que les autres. Non ! Il nous a appris que la différence et l’injustice qui existe entre les hommes, ce sont les conditions dans lesquelles ils vivent." [4] .

" La condition sous-prolétarienne est un affront à nos principes démocratiques. Il n’y a pas de démocratie qui ne soit d’abord fondée sur le respect des minorités. La majorité se doit de défendre, de soutenir les minorités, pour leur permettre de s’exprimer, sinon, elle n’est qu’usurpation de pouvoirs par les forts. Nous portons la responsabilité, que nos démocraties donnent toutes leurs chances aux minorités pour devenir actrices, au même titre que la majorité. Nos démocraties, soit disant fondées sur l’égalité des chances, sont profondément inégalitaires. Depuis environ deux siècles, une partie de la société a fait main basse sur les pouvoirs économiques, politiques, sociaux, religieux. Cette partie n’a cessé, ne cesse encore, quel que soit le régime politique, de sauvegarder le privilège acquis et accumulé depuis des siècles. [.. ] ( À propos de la famille X ). Ce que vit cette famille, je le rapprochais de ce qui se passait à Marseille où une cinquantaine de sous-prolétaires faisaient le siège pour empêcher l’expulsion d’une famille. Ils sont restés là, ont alerté la presse qui s’est dérangée : “ Quel intérêt ça peut avoir, dans l’histoire de l’humanité l’expulsion d’une famille sous-prolétaire ? Quel changement politique peuvent-ils apporter ces gens-là ? " Par leur résistance, ils disaient : " Si, nous allons amener un changement, parce que nous allons empêcher l’expulsion d’une famille de travailleurs, méprisée par son entourage, acculée à vivre chichement, au jour le jour, sans aucune réserve, sans jamais être sûre de garder un emploi ". Et les huissiers, la police, ont été obligés de partir. Quelle victoire ! En arrêtant cette expulsion, ils ont bloqués les 27 expulsions décidées par les HLM de la ville. Voilà la volonté cachée, la solidarité des sous-prolétaires. Ces travailleurs qui ont toujours été niés dans leurs statuts, leurs droits de travailleurs, qui ont toujours été acculés à l’assistance permanente, refusent une expulsion afin que le monde change. Il apparaît que nous avons affaire à des travailleurs qui veulent des droits comme les autres, qui veulent être reconnus, soutenus dans leur travail, par les copains, par les syndicats, par les partis politiques. Ils veulent être partie intégrante de la société. Ils peuvent être le ferment d’une réelle démocratie."

Qu’est-ce qui manque à nos démocraties ? Cours public, novembre 1982,

Dossiers de Pierrelaye.

Une vraie démocratie, c’est de vivre ensemble un projet, une histoire, de la partager, de se former ensemble, artisan de cette histoire et digne d’elle.".

Le volontariat école de vie, février 1984, Dossiers de Pierrelaye

Extraits du livre

Agir avec Joseph Wresinski.

L’engagement républicain du fondateur du Mouvement ATD Quart Monde .

Editions chronique sociale-2008- 320 p.

En vente aux éditions chronique sociale, aux éditions Quart Monde et en librairie. 16,90 euros



[1]. Père Joseph Wresinski, Le mouvement oblige au changement, Extrait des Assises des Alliés 6 et 7 décembre 1980, Dossiers de Pierrelaye.

[2]. Père Joseph Wresinski, Quart-Monde et droits de l’homme, Conférence organisée par des alliés de Bourg-la Reine le 19 octobre 1973.

[3]. Emmanuel de Lestrade, Benoît Fabiani, S’unir pour détruire la misère : l’alliance ATD Quart-Monde, in Revue Quart Monde N° 125, S’associer avec les plus pauvres, Quatrième trimestre 1987, p. 38.

[4]. Gérard Lecointe, délégué du Quart-Monde. Tout être humain a sa dignité, communication au colloque sur le bicentenaire de la Révolution française 27 et 28 octobre 1989, Démocratie et pauvreté, du Quatrième ordre au quart-monde, Éditions Quart-Monde / Albin Michel, 1991, p. 23.

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