Liberté - Pourquoi parler de sous-prolétariat? Pourquoi les pauvres seraient-ils responsables?
29-Pourquoi parler de sous-prolétariat ? Pourquoi les pauvres seraient-ils responsables ?
Le fondateur d’ATD Quart-Monde comprit vite que le travail des pauvres n’était pas un travail salarié de type industriel, celui qui donnait lieu à un statut. Il admit très volontiers que la fréquentation des usines était sporadique et se terminait souvent très mal pour les plus pauvres. Il expliqua comment les enfants travaillaient avec leurs parents à la pièce, à domicile, comme lui-même le faisait le dimanche lorsque sa mère pliait à la maison des papiers de cigarette. Par conséquent il sut rapidement que le monde ouvrier était étranger au sous-prolétariat dans sa pratique, dans ses revendications. [..]
Mais ce qu’il veut retenir c’est que l’ensemble des pauvres sont les seuls humains qui montrent à nu, à cause de leur dénuement, ce qui fait l’essence de l’être humain. Il affirme, sans crainte et avec raison, qu’ils sont totalement engagés à la liberté, à la vérité, à la justice, à l’amour, à la religion car ce sont eux qui en sont constamment privés. C’est un point de vue théorique qui est contesté car très abstrait mais qui vaut la peine qu’on s’y attarde à notre époque. Et pourquoi ? Parce que nous commençons à comprendre, nous aussi, et nos enfants avec nous, que nous ne sommes pas entendus.
" Nous-mêmes avons vécu cette condition en grandissant dans une famille pauvre, en marge d’un quartier populaire. Trop démunis pour être utiles, notre seul moyen de communication était d’accepter l’aide individuelle offerte de l’extérieur et, en échange, de l’utiliser comme l’entendait celui qui secourait. Ce genre de dialogue nous privait de toute possibilité de promotion. En effet, celle-ci exigeait au départ ce minimum de pensée et d’action, ce minimum de statut social indépendant de nos dimensions personnelles, nécessaires à la communication authentique avec un milieu dynamique. D’ailleurs faute de connaissance de la pauvreté, nos interlocuteurs le plus souvent ne soupçonnaient pas que nous puissions penser différemment d’eux ou, s’ils le découvraient, s’en indignaient. Discuter de leurs interventions qui ne correspondaient pas à notre besoin profond d’intégration, les refuser à la rigueur, signifiait compromettre les seules relations qui nous restaient avec une société sans laquelle nous ne pouvions vivre.".
La science parente pauvre de la charité, préface, in Jean Labbens, La condition sous-prolétarienne, L’héritage du passé, Éditions Science et Service, 1965, p. 26.
Extraits du livre :
Agir avec Joseph Wresinski.
L’engagement républicain du fondateur du Mouvement ATD Quart Monde .
Editions chronique sociale-2008- 320 p.
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