Fraternité - Se référer à une religion est-il nécessaire ?
Se référer à une religion est-il nécessaire ?
Dans sa réflexion sur l’ordre établi, Joseph Wresinski a intégré des références diverses. Marx l’interpellait par sa préférence pour les humbles malgré ses jugements sur le " Lumpenprolétariat ", il y revient souvent nous l’avons vu. L’Église en tant qu’institution lui semblait absente des lieux de misère. Il est persuadé cependant que les plus pauvres ont besoin de Dieu. C’est sans aucun doute un point de désaccord fondamental avec les plus laïques de ceux qui, sans être croyants, auraient cependant le désir de s’investir dans la lutte contre la misère auprès du Mouvement ATD Quart-Monde.
Selon Pierre Bourdieu : " Il n’y a jamais de mots neutres pour parler du monde social et le même mot n’a pas le même sens selon la personne qui le prononce." . […]
Pour Joseph Wresinski, le Mouvement ATD incarnait la fraternité absolue entre tous les hommes. Très vite d’ailleurs le Mouvement devint multiculturel. Les volontaires étaient issus de tous les pays d’Europe. Certains d’entre eux n’ayant aucun lien avec une quelconque structure religieuse ni aucune foi, cela obligea les premières équipes à une réflexion plus universelle. Cette réflexion sur l’universalité de la misère, mais aussi sur l’universalité de la manière d’entrer en contact avec la misère ne cessa jamais. Et pour illustrer cette universalité, pour donner un exemple de la diversité dans le Mouvement Joseph Wresinski expliquait à des chrétiens (des catholiques) : " Chez nous, même les athées vont donc lutter pour le droit à la spiritualité. […] C’est une démarche fondamentale dans le Mouvement : ce respect profond pour le droit au spirituel. Les pauvres aussi ont le droit de connaître Dieu." . Pourtant ces propos d’ouverture sont plus problématiques qu’il n’y paraît à première vue car le raccourci entre la spiritualité et le sens de Dieu s’il a certainement un sens pour des croyants n’a pas de sens pour les autres. En effet Joseph Wresinski situe malheureusement la spiritualité uniquement dans les différentes confessions. C’est pourquoi il affirme toujours " Le Mouvement est interconfessionnel " et pas " aconfessionnel " comme si le Mouvement ne pouvait rassembler que des personnes ayant une confession alors que les pauvres eux-mêmes n’ont pas tous, loin de là, une croyance bien établie. […]
Joseph Wresinski a toujours recherché une interconnexion des religions (parce que l’extrême pauvreté avait le même visage sur toute la planète) et non le repli sur sa propre religion, c’est-à-dire qu’il a voulu l’ouverture maximale à toutes les croyances. Imposer aux autres sa vision des choses ne lui convenait d’ailleurs pas : Ne disait-il pas aussi que le Mouvement n’était pas confessionnel pour dire plus clairement que tous ceux qui croient en Dieu, si nombreux dans le Mouvement, ne devaient pas y venir au nom de leur foi, avec une banderole de prosélytisme ! […] . Pour Joseph Wresinski, il n’y a pas, dans le Mouvement, d’obligation de croyances ni de contrainte sur la liberté de conscience. C’est donc le contraire d’un embrigadement à la façon des sectes puisque c’est l’ouverture et non la fermeture. Ce n’est pas très éloigné de la laïcité avec une nuance importante : le monde de Joseph Wresinski s’organise autour de la foi, lui-même disant n’avoir de comptes à rendre qu’à Dieu alors que notre monde s’organise sans la foi, nous dirions que nous n’avons de comptes à rendre qu’aux hommes et à notre conscience.
citations de Joseph Wresinski
" Car est-il légitime que nous imposions aux hommes une conception de Dieu, de l’homme ou des structures de la société ? La leur offrir est légitime, si cela nous est demandé. […] Autrement, les apporter de notre propre initiative ne peut être qu’une intrusion intempestive chez les pauvres, ils ne pourront que nous maudire, de même que le fermier, qui espère et fait des prières pour que l’eau tombe dans son champs, maudit la tornade qui vient et détruit la récolte. Souvent nous faisons comme l’Idiot de Dostoïesky : il n’avait rien de mauvais en lui, mais il n’a réussi qu’à détruire.".
Nous n’apporterons aux pauvres que ce qu’eux-mêmes auront appris à nous demander, Réunion de volontaires, Été 1966,
Écrits et paroles, t 1, p. 447.
" Si on se met à dire, par exemple, que si on n’est pas chrétien on ne peut pas sauver la population, c’est faux : on se met à vouloir construire sur une pensée à soi, au lieu de construire d’après les leçons de la population.".
Après le pourquoi, le comment d’un corps volontarial, juillet / août / septembre 1979, Dossiers de Pierrelaye.
" Le Mouvement est un carrefour et il doit le rester. Sachons bien que la population n’a pas les moyens ni sociaux ni culturels ni religieux, de se conformer à des obligations, à des rites, à des dogmes et par conséquent nous n’avons pas à lui imposer nos idées, nos doctrines, nos options politiques, notre spiritualité.".
Échos des Assises 81, juillet / août / septembre 1981, Dossiers de Pierrelaye.
Extraits du livre :
Agir avec Joseph Wresinski.
L’engagement républicain du fondateur du Mouvement ATD Quart Monde .
Editions chronique sociale-2008- 320 p.
En vente aux éditions chronique sociale, aux éditions Quart Monde et en librairie. 16,90 euros
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