Liberté-Pourquoi a-t-il inventé le "Quart-Monde"?
36. Pourquoi a-t-il inventé le "Quart Monde"?
Il ne pouvait penser qu’à l’avenir collectif des populations misérables. Difficile entreprise lorsque tout est fait dans la société environnante pour qualifier la misère avec des critères individualisés, de nature psychologique, voire génétique.
Très clairement, dés 1963, Joseph Wresinski voulait faire entrer dans notre société un groupe et non seulement des personnes : " Nous n’aurons pas réussi si cette communauté (des pauvres) n’est pas acceptée par la société, par l’Église, par la commune, par le Ministère de l’Intérieur et celui de la Population, par les écoles aussi et par toutes les institutions qui forment la société. D’autre part, il faudra aussi que les familles du Camp acceptent pleinement le monde environnant, qu’elles veuillent vivre d’une manière qui ne soit pas intolérable à ceux qui les entourent." .
Très clairement aussi en 1970 dit-il : " Une seule couche de population est totalement opprimée et toutes les autres l’oppriment. Cette couche-là est celle du Quart-Monde." . Version moderne des propos du créateur du Tiers-État en 1789, Sieyès lui qui, plus incisif affirmait : " Qui oserait dire que le Tiers-État n’a pas en lui tout ce qu’il faut pour constituer une nation ? Si l’on ôtait l’ordre privilégié, la nation ne serait pas quelque chose de moins, mais quelque chose de plus […] Que serait le Tiers-Etat sans l’ordre privilégié ? Tout, mais un tout bien florissant. Rien ne peut aller sans lui, tout irait infiniment mieux sans les autres." .
Joseph Wresinski, l’homme de la dignité des pauvres, sans attaquer les privilégiés, ne manquait pas une occasion de dire que sans la participation des pauvres notre société était bancale, que sans leur avis, sans leur parole surtout, notre monde manquait d’épaisseur, d’humanité. Il savait aussi que Tiers-État et pauvreté extrême ne recouvraient pas les mêmes réalités. Il s’intéressa aux exclus du Tiers-État.
Sa tâche fut d’expérimenter une autre approche. D’abord pour convaincre autour de lui de l’étendue de cette misère mais aussi pour dialoguer avec les très pauvres dans d’autres registres que celui de la culpabilité. La dignité donc et toujours, mais au service de la cause des plus pauvres et non dans le but de maintenir une " pauvreté témoin " repoussante. Cette tâche, un peu étrange, mal comprise au départ, fut plus explicite à partir de 1968, date à laquelle le Mouvement ATD Quart-Monde qu’il avait fondé se donna des objectifs politiques. Elle ne fut reconnue que beaucoup plus tard grâce au rapport au Conseil économique et social, mais grâce aussi aux progrès de la population dite des " très pauvres " pour acquérir la capacité à s’exprimer publiquement et alors le Mouvement ATD Quart-Monde put assumer son rôle de représentation.
Textes choisis
" Le Quart-Monde est un peuple qui n’a pas ses intérêts défendus par les syndicats, qui ne semble entrer dans aucun des intérêts de la classe ouvrière ni des autres cercles professionnels. Parmi les partis politiques, aucun ne l’a jamais pris en charge alors que les services sociaux ne le connaissent que pour le mettre en tutelle ou pour lui retirer ses enfants. C’est cela le Quart-Monde. Peuple de sous-prolétaires, disait Karl Marx, peuple au-dessous de tout le reste de l’humanité, peuple au plus bas de l’échelle sociale. Peuple d’inadaptés disent certains, peuple "infra humain " disent d’autres, peuple de sous-privilégiés disent les Anglais. Nous l’appelons le Quart-Monde non pas du tout en opposition avec le Tiers-Monde mais parce que nous pensons très sérieusement qu’il est l’incarnation, la voix, le signe de toutes les oppressions, de toutes les punitions qui sont infligées aux hommes, lorsque ceux-ci ne correspondent pas aux idéaux qui fondent notre société.".
Les plus pauvres, ferments du progrès de la société de consommation, Conférence à Nancy, 12 mai 1969.
Extraits du livre
Agir avec Joseph Wresinski.
L’engagement républicain du fondateur du Mouvement ATD Quart Monde .
Editions chronique sociale-2008- 320 p.
En vente aux éditions chronique sociale, aux éditions Quart Monde et en librairie. 16,90 euros
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