vendredi 21 octobre 2011

Arrêté municipal contre mendicité. Lettre ouverte du collectif Alerte à Marseille

LETTRE OUVERTE

À Monsieur Jean-Claude GAUDIN, Maire de Marseille

Monsieur le Maire,

Vous souvenez-vous où vous étiez le 17 octobre 2001 ?

Vous étiez en train d'inaugurer, sur la Place de l'Espérance à Marseille, la dalle en l'honneur des victimes de la misère, reproduction de celle inaugurée le 17 octobre 1987, au Trocadéro, par "Joseph l'Insoumis" Wresinski, et entre autres, Madame Simone Veil, ministre. Cette dalle donne en sa partie finale un programme bien précis pour éliminer la misère :

"Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère,
les droits de l'homme sont violés,
s'unir pour les faire respecter est un devoir sacré"

A Marseille, pour bien marquer VOTRE engagement en tant que Premier Magistrat de cette ville, vous vous avez souhaité faire ajouter cette mention (cf. photo ci-contre) :

"Le 17 octobre 2001, Marseille et les Marseillais se sont engagés à ce que chacun puisse vivre dignement dans le respect de toutes les cultures"

Nous n'osons croire que vous avez volontairement voulu fêter l'anniversaire de cet engagement en avalisant, 10 ans plus tard, jour pour jour, cet arrêté "anti-mendicité" du 17 octobre 2011 "indignement" signé par votre adjointe à la sécurité.

Vous ne pouvez renier à ce point vos engagements en acceptant, sous la pression de certaines composantes de votre conseil municipal, un arrêté qui stigmatise une population précaire malmenée par la vie.

Nous considérons, pour notre part, que le seul tort de ces populations est, non pas de nous agresser quand nous la rencontrons en ville, mais de nous faire poser des questions sur les raisons qui les ont amenées à cette situation et sur l'incohérence des politiques publiques qui ne leur permet pas de vivre dignement autrement qu'en mendiant.

Nous dénonçons, comme vous, l'esclavage qu'elles subissent parfois de la part de certains en les maintenant dans des situations de dépendance.

Nous vous engageons instamment à revenir sur cet arrêté refusé à ce jour par une majorité de citoyens marseillais (cf. sondage au 19 Octobre, 15 heures, sur le site de la Ville : 61% contre ; 39 % pour). Ceci permettrait de redonner aux Marseillais la fierté qu'ils viennent de perdre, mais qui est fondamentalement la leur, d'être la ville "fondée sous le signe de l'ouverture, de l'échange, et du respect de l'autre" et qui "incarne les valeurs d'humanité et de fraternité" comme plus de 300 000 d'entre eux l'ont signé sur la dalle voisine de la précédente, sur l'Arbre de l'Espérance (cf. photo, texte en tête des 300 000 signatures) (Passer en zoom 200 % pour mieux lire le texte !)

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Maire, l’expression de nos meilleures salutations.

Le Collectif ALERTE

Composition du collectif ALERTE PACA : L'agence régionale PACA de la Fondation Abbé Pierre, Association les petits frères des Pauvres, Délégation régionale du mouvement ATD Quart Monde, Fédération des Associations et des Acteurs pour la Promotion et l’Insertion par le Logement (FAPIL) Méditerranée, Fédération de l’Entraide Protestante, Fédération Nationale des Associations d’accueil et de Réinsertion Sociale (FNARS), Fondation Armée du Salut, Fonds Social Juif Unifié (FSJU), Les Communautés d’Emmaüs Aix-Marseille, Ligue des Droits de l’Homme - PACA, Médecins du Monde (Collège PACA), Mutuelles de France Méditerranée, Secours Catholique, Solidaires contre la Pauvreté, Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC), Union inter Régionale Interfédérale des Organismes Privés non lucratifs Sanitaires et Sociaux (URIOPSS) PACA et Corse, Voisins et Citoyens en Méditerranée (VCM).



ANNEXE






NB : accessoirement, l'état de cette dalle et de celle de l'espérance n'est pas digne d'accueillir des centaines de milliers d'européens pour Marseille 2013…

jeudi 20 octobre 2011

Quelle école pour quelle société? Aix en Provence. partie III

3- Quelle école voulons-nous ?

En tant que citoyen préoccupé par l’enfance, on se doit d’avoir individuellement une certitude chevillée au cœur : L’enfant pauvre ne peut tirer profit de l’école que s’il sent qu’à l’école ses parents et son milieu n’y sont pas jugés et condamnés.

-- Nous voulons refuser toute stigmatisation

▲ Nous refusons l’étiquetage de « l’enfant à risque d’échec scolaire » mais nous sommes attentifs au dépistage précoce des problèmes courants d’audition, de dentition, de vue. Nous incitons les parents à présenter leurs enfants aux visites médicales en rassurant les parents qui vivent dans les conditions les plus difficiles car ils craignent toujours le placement de leur enfant.
▲ Nous dénonçons, très consciemment, et à haute voix, toutes les visions réductrices de l’enfant pauvre. Le danger, dans l’exercice des métiers liés à l’enfance, est de criminaliser, médicaliser, ethnologiser l’enfant ! Il est fondamental de refuser de renvoyer l’enfant qui a des difficultés provisoires à sa différence.
▲ Le Mouvement ATD Quart Monde a mis en place un réseau de professionnels de l’éducation qui échangent des expériences positives et bâtissent une réflexion en collaboration avec des familles du Mouvement. Ce réseau organise, à Lyon, les 11 et 12 novembre prochain : Les ateliers de l’école. Un des animateurs de ce réseau est Régis Félix qui a été principal d’un collège pendant 7 ans après avoir été professeur de classe préparatoire. Il rend compte de cette période de sa vie dans un livre intitulé : « Le principal ne nous aime pas »

- Avec les parents, les enseignants et les différents partenaires de l’école

▲ Nous considérons que tout enfant est une personne en devenir qu’il faut reconnaître dans sa situation de dépendance par rapport à sa famille, à son quartier, à son environnement, mais nous croyons en même temps qu’il est porteur d’intelligence.
▲ Nous mettons en œuvre une pédagogie de la réussite différenciée en étant attentifs aux transitions grande section maternelle /CP et CM2/ sixième. Nous avons des attentes positives concernant les enfants en difficulté.
▲ Nous tentons de réduire la distance entre l’école et les parents, nous cherchons à travailler avec tous les parents sans exclusive en reconnaissant que tous les parents ont des attentes par rapport à l'école.
▲ Nous nous exerçons à la responsabilité citoyenne de tous et à la réflexion croisée entre professionnels et les parents pauvres.
--- Je conclurai comme le disait JW, " Tous les hommes sont faits pour penser. Tous les hommes sont faits pour créer des relations humaines."
Je vous remercie.
Marie-Hélène Dacos-Burgues

mercredi 19 octobre 2011

Journée mondiale du refus de la misère . 17 octobre 2011, Aix en Provence Quelle école pour quelle socité? partie II

Suite :
2 – Quelle société voulons-nous ?

Au sein d’ATD nous voulons faire admettre que la pauvreté est une violation des droits de l’homme.

--- Cela a des conséquences directes sur la nature des obligations des Etats.

▲ Bien que les pauvres soient sujets de droit comme tout le monde, dans les faits, des universitaires ont montré que leurs droits sont bien souvent bafoués. Dans notre société les mises à l’écart s’auto-alimentent mutuellement.
▲ La pauvreté monétaire et la pauvreté de conditions de vie pourraient être combattues : il est évident qu’un travail pour chacun, un logement digne pour tous, le droit à la santé devraient être des obligations, des objectifs de la solidarité nationale.
▲ Notre société doit se donner les moyens nécessaires pour développer un enseignement pré-primaire er primaire de grande qualité.
Il faudrait investir davantage dans la petite enfance :
- En crèche des places, un accueil large pour aider les mamans qui cherchent du travail.
- Une école maternelle qui fonctionne dans de bonnes conditions d’accueil
-Une école primaire redevenue gratuite : fournitures gratuites et études du soir gratuite.
- Des cantines non discriminatoires.

--- Au sein d’ATD nous voulons une société riche de tout son monde : Nous voulons faire entendre la parole des plus pauvres

▲ L’histoire du Mouvement ATD Quart Monde pourrait s’expliquer comme étant une tentative de faire entendre les voix des plus faibles de nos concitoyens au niveau politique et pour développer des projets d’avenir au bénéfice de tous.
▲ Les familles pauvres ont le désir très profond que leurs enfants puissent se libérer de la fatalité de la grande pauvreté et l’école leur semble être le moyen d’arriver à casser le cercle vicieux de l’enfermement dans la misère. Il faut soutenir la communication entre elles et les enseignants et plus largement entre elles et les politiques. Au sein du Mouvement ATD Quart Monde, les plus pauvres apprennent à s’exprimer à l’Université Populaire du Quart Monde.
▲ Le Mouvement expérimente dans des quartiers des actions qui luttent concrètement contre l’échec scolaire, en cherchant à développer les coopérations plutôt que la concurrence et l’individualisme scolaire : BDR ; Pré-écoles ; Espaces parents-enfants ; Parents solidaires. Il diffuse aussi des dossiers pédagogiques.
Marie-Hélène Dacos -Burgues
suite et fin demain ..

mardi 18 octobre 2011

Quelle école pour quelle société?

Le 17 octobre 2011 à Aix en Provence
Bonsoir à tous,
Créée en 1987, la "Journée mondiale du refus de la misère" cherche à être l’amplificateur du combat quotidien contre la grande pauvreté.

Mais quel combat ?

-- Le Mouvement ATD Quart Monde est un Mouvement citoyen, rassemblant des personnes de différentes convictions et de différents milieux. C’est un mouvement non politique au sens partisan du mot, mais politique malgré tout par le questionnement qu’il fait de notre société. Ce questionnement, le Mouvement le fait à partir de la parole des personnes les plus éloignées de la culture savante.
A la suite de son fondateur le Père Joseph Wresinski, ATD Quart Monde ( Agir Tous pour la Dignité) a toujours exprimé sa volonté que tous, y compris les plus pauvres, participent à l’élaboration d’un projet de société plus égalitaire et plus juste, riche de tout son monde. Il agit dans ce sens depuis 50 ans avec des lignes de force : les droits de l’homme, les savoirs et les connaissances, la participation des plus pauvres.

Les enfants pauvres

--- Les enfants pauvres de notre pays sont dans une situation inédite malgré la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans. La perte des petits métiers qu’on apprenait avec papa ou maman rend très problématique le devenir professionnel de ces enfants de même d’ailleurs que leur développement personnel. Les enfants dont les parents ont de très faibles revenus et un faible capital culturel sont obligés de tout attendre de l’école alors que dans le même temps l’école est devenu un lieu si peu accueillant pour eux qu’ils redoutent bien souvent de s’y rendre…
… Parce que les camarades vont se moquer d’eux… Parce qu’ils ne sont pas en phase avec la société de consommation… Parce qu’ils ressentent des conflits de loyauté entre leur famille et l’école… Parce qu’ils doivent y oublier leurs savoirs de vie pour entrer dans des savoirs abstraits ayant peu de sens pour eux puisque ceux-ci ne sont pas concrètement présents au sein de leur vie.

1-La misère et l’échec scolaire sont intimement liés


■ On doit le constater : Même si la grande majorité des acteurs de l’école fait très correctement son travail, globalement, non seulement le système scolaire n’est plus un facteur de réduction des inégalités mais il accentue les disparités sociales.

----  La moitié des disparités sociales de réussite sont constituées à l’entrée à l’école élémentaire, et, ensuite, à chaque année scolaire, les écarts de réussite entre les enfants de milieu favorisé et les enfants de milieux défavorisés s’accentuent un peu plus.
▲ Dés l’entrée au CP la catégorie socioprofessionnelle des parents est le facteur qui discrimine le plus les scores des enfants, davantage que le trimestre de naissance ou le fait d’être en ZEP.
▲15% des élèves en CM2 présentent de très lourdes difficultés en lecture et en calcul.
▲ Un quart des enfants sont en retard en sixième. Les enfants pauvres le sont nettement plus que les autres : Pour eux c’est 45 % .
▲La proportion d’élèves en grande difficulté à la fin de la troisième s’est accrue de 30 % au cours des dix dernières années.
▲A la journée défense et citoyenneté (JDC), 20% des jeunes testés sont de mauvais lecteurs.

----  On l’entend souvent dire : chaque année 150 000 jeunes quittent le système éducatif sans qualification et 80 000 jeunes sortent de l’école obligatoire sans maîtriser les apprentissages fondamentaux : lire, écrire, compter. Ces chiffres ne sont pas en recul. Ils augmentent même. Ces 150 000 jeunes n’ont ni BAC PRO, ni BEP, ni CAP, malgré des progrès au niveau de la diversification des parcours en lycée, et 40 % de ces jeunes sont au chômage 3 ans après.
▲ L’échec scolaire peut toucher toutes les classes sociales mais l’échec scolaire touche beaucoup plus les enfants dont les parents ont un faible niveau de vie. Lorsqu’on se penche sur l’origine sociale de ces jeunes qui ont arrêté leurs études sans diplôme on se rend compte qu’ils étaient, en 2004, au nombre de 20% parmi les enfants pauvres et de l’ordre de 1% parmi les familles les plus favorisées.
▲ Les variables explicatives sont nombreuses et la mesure de leur influence respective est complexe. La proximité des parents au système scolaire (niveau de diplôme, profession …) et leur disponibilité ( structure familiale, horaires de travail …) apparaissent comme des facteurs clefs. Le revenu des parents est également fortement discriminant.
à suivre ...
Marie-Hélène Dacos Burgues ( la suite demain )

mercredi 5 octobre 2011

Film La brindille

Film d’Emmanuelle Millet.


Le titre fait référence au sens du mot brindille : une belle fille mince et grande.
Il faut avoir du courage pour faire un film sur l’accouchement sous X.
Et le courage est vraiment là : celui de décortiquer un cas. Celui de montrer à l’écran une très jolie jeune fille qui cherche à vivre sa passion pour le dessin et rien d’autre. On s’interroge dés le début sur la personnalité de cette Sarah ( l’actrice Christa Théret) seule à Marseille, une fille moderne, belle, logeant en foyer avec une amie, mais reliée à rien …ni à personne, seulement à son carnet de croquis !! Le problème est qu’elle n’est plus une enfant, qu’elle a 20 ans et qu’elle se trouve piégée par une grossesse dont elle n’a pas eu conscience alors qu’elle est enceinte de plus de 6 mois. Elle aurait avorté immédiatement si cela avait été possible et sans état d’âme. Elle ne veut pas de cet enfant. Un refus profond, animal.
Les ennuis alors s’accumulent. Elle était stagiaire dans un musée, on ne la garde pas. Elle perd son emploi et par suite son logement. On l’envoie dans un foyer de mères célibataires. Elle refuse les contacts avec les autres femmes, ne se sent pas concernée du tout par leurs grossesses et leurs propos, ne joue pas le jeu, ne va pas se présenter aux visites médicales…
La directrice du nouveau foyer l’exhorte à respecter un minimum de règles de vie en société et à se préoccuper de l’avenir du bébé qui viendra inéluctable naître à son terme… Elle lui propose aussi de reprendre des études…Si la première incitation échoue la deuxième passe mieux.
La réussite, sans doute, est d’être parvenu à montrer comment il peut être difficile d’accepter la venue d’un enfant dans un cadre de solitude extrême. Mais on peut regretter l’absence d’émotion. Tout semble être très extérieur à cette fille. Mais n’est- ce pas justement le fond du problème ? Ce rejet catégorique et persistant de l’idée de l’enfant à venir, est sans doute précisément une des caractéristiques d’une situation qui se termine par l’accouchement sous X….
On sera heureux enfin quand Sarah rencontrera un jeune homme à la bibliothèque : Thomas l’étudiant à la moto ( Johan Libéreau qui joue à merveille son rôle d’amoureux). Il donne un peu de vie à ce qui paraissait jusque là comme une étude clinique et froide.
Emmanuelle Millet est une réalisatrice investie depuis l’âge de 20 ans dans l’humanitaire et le social.( Médecins du Monde, Secours populaire , Handicap international ) . C’est un premier film.

Film français, 2011, avec Christa Théret ( Sarah) , Johan Libéreau (Thomas) Anne le Ny (Sonia, la directrice du foyer ) ? Maud Wyler ( Julie , l'amie ) ; Myriam Bella ( Leïla une mamancélibataire)

La Pivellina

Film La Pivellina
De Tizza Covi et de Tainer Frimmel
Un bol d’air frais que ce quasi reportage.
Le film La Pivellina ( en français la petite débutante ) introduit dans le monde de ceux qui vivent en roulotte, avec peu de moyens, dans la boue, avec le sentiment de n'être pas acceptés par la société environnante. Leurs animaux sont tout pour eux. Compagnons de travail, amis. Les chiens, les lionceaux, les chèvres, les occupent. Et sont précieux. On l’a compris les habitants de ces roulottes sont les gens d'un tout petit cirque. La pauvreté, ici, est filmée de près, de très près mais sans misérabilisme, sans, non plus, un apitoiement de mauvais aloi. C’est ainsi qu’ils vivent, point !
Tizza Covi et Rainer Frimmel racontent une histoire toute simple, mais d’un genre inconnu. Les enlèvements d’enfants on connaît, mais les récupérations d’enfants c’est moins courant. Une enfant de deux ans, Asia, est, à la tombée de la nuit, abandonnée sur une balançoire par sa mère. Tante Patti, du cirque, qui est partie à la recherche de son chien Ercole, trouve Asia qui ne pleure même pas. Elle attend sagement sa maman. Tante Patti n’hésite pas une seconde. Après avoir cherché vainement la Maman dans la périphérie de la balançoire, elle ramène Asia à la roulotte. Walter, le mari de Patti a beau savoir et dire que ce « sauvetage » sera source de problèmes et d’accusations rien n’y fait. Tante Patti persiste. C’est la course pour trouver du lait, des couches, etc .. L’homme va en cachette à la gendarmerie pour dire les choses et… trouve porte de bois car il ne sait pas lire le panneau indiquant qu’il faut contourner le bâtiment pour entrer. Tairo, un jeune garçon de la troupe, lui aussi abandonné, est mis à contribution pour garder l’enfant. De nombreuses scènes de la vraie vie sont d’une grande veine comique. Tante Patti a trouvé un mot de la maman dans le manteau d’Asia, une photo déchirée d’où la mère a expulsé le père. Elle est persuadée que cette femme ayant des soucis lui a confié sa fillette parce qu’ « elle nous connaissait, elle savait qu’on s’en occuperait bien ! » Persuadée aussi qu’elle va revenir …puisqu’elle l’a dit dans le mot … et puisqu’un jour elle l’écrit …Le film n’est que tendresse… Il parle de fraternité entre les humains…C'est en quelque sorte l'envers de ce qu'on a raconté si souvent sur les bohémiens. Asia est craquante. Walter est un très gentil macho ! Et avec Tairo ils forment une famille unie. Chacun joue son propre rôle de façon très sensible dans une fiction qui n’est pas loin du réel. Le budget du film est un petit budget …
On ressort de ce film revigorée, en ayant envie de le revoir …On voudrait qu’il sorte en DVD.
Le film a eu le Prix des Cinémas Européens au festival de Cannes 2009. Il est soutenu par ISF association qui rassemble les salles indépendantes non subventionnées. En allant le voir, outre la joie de voir cette humanité qui prend le temps de vivre, on participe à une action militante.

Marie-Hélène Dacos-Burgues
Film italien de Tizza Covi et de Rainer Frimmel, avec Patrick Gérardi, Walter Saabel, Tairo Caroli , Asia Crippa, 2009.




F

samedi 4 juin 2011

Nous, princesses de Cléves

Nous, princesses de Clèves
Film documentaire de Régis Sauder sur une idée d’Anne Tesson à partir du roman de Madame de La Fayette.


Pour qui s’intéresse à la langue française, ce documentaire est une pure merveille tant le texte dit par ces adolescents tranche sur les usages de notre époque. Partant d’une vieille histoire aux accents bien surannés, il faut bien le dire, il parle de notre temps présent. Il met en jeu parallèlement au texte des questions du quotidien : des passions et des interdits, la retenue et le licencieux, l’éducation des filles et des garçons, les émotions vives et les renoncements coûteux.
Pour qui les banlieues sont peuplées de jeunes en perdition, sans talents, sources des pires désordres, la surprise sera grande. Car ils ont du talent ces jeunes des quartiers Nord de Marseille très habituellement désignés comme violents, peu cultivés, paresseux, adonnés à la drogue…
Ces jeunes, en majorité de couleur, ne nous montrent pas qu’ils sont experts en toutes ces choses qui seraient vraiment utiles à notre bonne et belle société de consommation et qui est ce qu’on attend d’eux au mieux …
Ce talent qu’ils ont, n’est pas ici un talent pratique d’ouvrier capable de force physique ou d’une habileté manuelle comme pourrait l'être la précision dans des travaux mécaniques. Ce n’est même pas un de ces talents plus recherché et jugé noble comme la capacité à embobiner le client, la bonne «tchache » nécessaire pour vendre ces objets dont il faut créer le besoin chez le passant, ni même un de ces talents qui conduiraient les filles à être coiffeuse, femme de ménage ou top modèle … Loin donc de l’utilité sociale, ils nous montrent un talent inutile et rare et tellement précieux : la capacité à faire vivre leur esprit. C’est le talent de comprendre un texte qui a nous a été transmis depuis 1678 et parlant de la cour d’Henri II ( 1547-1559) !!! Car il fallait comprendre le texte pour le dire si bien!
Le mélange de faits d’histoire et du quotidien, c'est-à-dire des émois amoureux, du bac en fin d’année, de ce qu’on peut dire ou ne pas dire aux parents, de l’espoir de ces parents eux-mêmes, forme la trame justement de ce qui est beau, agréable à voir et bon pour notre société.
Le documentaire, un peu long parfois, nous montre des jeunes se situant d’emblée dans un registre qui ignore la compétition- sans doute à cause du projet audacieux de leur professeur.
Au lycée Diderot de Marseille les enfants sont majoritairement issus de l’immigration. C’est un peu comme dans le film « Entre les murs ». Mais ici le propos n’est pas de se lamenter sur les difficultés d’un professeur de lettres à faire passer les règles grammaticales du français. Le propos est plutôt celui d’un professeur qui dit à la société que ces enfants sont très capables, notamment …de comprendre et de dire un beau texte… Ajoutons que ce n’est pas un hasard si les parents ne sont pas présentés comme des êtres pitoyables !
« Ce n’est pas un film sur l’école » a-t-on écrit dans le journal Marianne après s’être inquiété « des critiques dithyrambiques de la part de toute la presse », parce que l’essentiel vient d’un atelier Théâtre et non d’une salle de classe ordinaire.
Ce n’est peut -être pas un film sur l’école, mais c’est un film sur l’accès à la culture, sur notre société, sur les questions intelligentes que se posent les jeunes et leurs parents dans les quartiers … c’est enfin un documentaire optimiste car il nous montre qu’on peut attendre beaucoup des enfants et des jeunes si on accepte de ne pas les stigmatiser.
Avec Abou , Albert, Aurore, Mona, Morgane et d’autres lycéens du Lycée Diderot à Marseille.
Marie-Hélène Dacos-Burgues

mardi 26 avril 2011

Film "La bella gente " les gens bien

Film de Ivano De Matteo

Un film sur des questions dérangeantes bien mené.
Un couple « bien » rejoint sa maison de vacances à la campagne en voiture. A la ville, à Rome, Madame, Susanna, est psychologue et s’occupe de femmes battues, Monsieur,Alfredo, est architecte. A la campagne, leurs voisins et amis sont des bobos sans consistance,caricaturaux, peu en harmonie avec eux. Les voisins aiment le « tape à l’œil », ils aiment l’argent facile, ils ont des propos un brin racistes et des préjugés bien établis. Le couple de Susanne et Alfredo est beaucoup plus sympathique, plus ouvert. Pendant tout le film on se demande pourquoi ces deux couples se fréquentent. On ne voit certainement pas en quoi consiste leur amitié… Obligation de voisinage ? Tolérance accrue du fait de l’isolement ? Simples relations mondaines parce qu’il faut bien ?
Le premier couple, sous l’instigation insistante de Susanna se met dans l’idée de sauver une jeune prostituée qui s’offre au bord de la route nationale et qui a un
« Mac » qui la tape et la traite durement. Vu le jeune âge présumé de la demoiselle, Susanna arrive à convaincre son époux d’aller la chercher pour la ramener à la maison. C’est là que Nadja, jeune prostituée ukrainienne, entre en scène. Refusant d’abord, puis ayant été véritablement kidnappée, elle finit par accepter de se couler dans le rôle de la fille sauvée.
Nous sommes dans un scénario analogue à celui du film « No et moi » qui traite des bons sentiments d'une famille envers quelqu'un de paumé. Mais avec plus de finesse. Susanna est généreuse, son mari est réaliste. Il a résisté autant qu’il a pu, puis il a accepté l’idée de sa femme et il a été capable de prévoir que la chose serait très délicate. Comme le couple est solide, il pense pouvoir faire face à tout. La métamorphose physique de Nadja qui perd son maquillage et se transforme en jeune fille convenable est spectaculaire.
L’anniversaire de Susanna sera l’occasion d’une série d’événements qui révéleront les difficultés d’un tel projet. Des idéaux sont-ils suffisants pour faire le bonheur d’autrui ? Comment fait-on pour connaître vraiment la personne qu’on veut aider, pour ne pas plaquer sur elle des attentes et un regard tout à fait irréaliste ? Ne piége -t - on pas les gens avec trop de bons sentiments ? Où est la liberté de Nadja ?
Susanna va prendre en pleine figure ces questions qu’elle ne s’était jamais posées. Ni dans le cas présent ni sans doute avant, dans son métier. Là comme dans le film « No et moi » le réel de Nadja est inconnu comme l’était le réel de No. Seulement il n’est pas occulté totalement ni caricaturé. Petit à petit, au fil du temps qui passe, des indices montrent que la gamine « sauvée » rêve peut -être d’autre chose… Que cet autre chose soit présenté comme une idée abstraite issue de la vision que nous avons du délitement des pays de l’Est ne gêne pas car c’est plausible.
L’histoire est crédible et interroge encore une fois les bons sentiments des « gens bien » Pour cette raison c’est déjà un film salutaire. L'approche des plus pauvres ne se fait pas sans préparation.
L’actrice Victoria Larchenko est magnifique. Les acteurs Antonio Catania et Monica Guerritore jouent à merveille leur rôle de couple bien et …, chose plus rare, qui fonctionne bien.

Le réalisateur a tenu des propos fort intéressants. Le scénario l’a gêné : pas de héros, pas de crapule, pas de grand drame. Il dit « et pourtant une étrange sensation ne me quittait pas, cela me faisait presque froid dans le dos, et en relisant plusieurs fois le scénario, j’ai compris que toute l’histoire était pervertie par une condition « d’absence »[…] Je me suis toujours demandé si dans notre société il existait encore des classes sociales. Apparemment non, apparemment nous sommes seulement divisés entre ceux qui ont de l’argent et ceux qui n’en ont pas » Ivano de Mattéo. ( via Cinémovies)
Il me semble que cette compréhension est nécessaire pour traiter ce genre de sujet.
Le film a eu le grand prix au festival du film italien à Annecy et le prix CICAE au même festival.
Un film bien meilleur que « Another Year » sur un sujet voisin : l’aveuglement de gens sous - informés et trop isolés dans leur « petit groupe » !

Marie-Hélène Dacos –Burgues

Film italien de 2009, avec Antonio Catania, Myriam Catania, Iaia Forte,Elio Germano, Giorgio Gobbi, Monica Guerritore, Victoria Larchenko

jeudi 31 mars 2011

Angèle et Tony

Angèle et Tony
Film de Alix Delaporte



Un film sur l’amour mais aussi sur la reconstruction d’une femme après la prison. On ne saura presque rien du drame qui l’a conduite là. Ce qu’on sait vite c’est qu’Angèle est abîmée par la vie. On comprend dès le départ - à la facilité qu’elle a à vendre son corps aux hommes - que rien n’a d’importance pour elle. Cynique et belle, elle pratique les petites annonces mais ne s’investit pas. Elle reçoit un jouet au coin d’une rue après une passe. C’est surprenant et choquant. Plus tard elle se rend devant une école, épie son fils, renonce à se montrer et repart avec le jouet. La réalisatrice ne s’attarde pas sur ces épisodes. Ils sont là simplement pour servir de cadre, pour camper les contours de la déchéance. Tout ensuite se passe dans le milieu des marins - pêcheurs, dans un port de pêche en Normandie où Angèle se retrouve grâce à ses petites annonces et au gars Tony qui a répondu sans doute à cause de trop de solitude. Ce qui devait arriver ne se passe pas comme prévu. Angèle est trop offerte, trop attirante, trop sexy. Tony ne veut pas se laisser aller dans ce piège. Malgré son air lourdaud il se met à refuser les relations physiques et à protéger Angèle dont il sent qu’elle vaut mieux que ce qu’elle veut faire croire. Il arrive à convaincre sa propre mère de lui donner du travail à la poissonnerie. Tout le film est dans les paysages, le travail des marins, le poisson, la mer, la retenue de Tony, l’observation qu’il fait d’Angèle, l’incompréhension d’Angèle, le conflit social qui couve, et cette histoire d’amour, une vraie, qui se trame. La surprise du film c’est le petit garçon qui retrouve sa mère.
Les deux acteurs Grégory Gadebois et Clotilde Hesmes sont de vrais acteurs car ils ont le talent de nous font croire à l’histoire.


Film français, 2010, avec Clotilde Hesmes, Grégory Gadebois, Evelyne Didi, Patrick Ligardes, Patrick Descamps.

Marie-Hélène Dacos-Burgues

samedi 19 février 2011

Film : «A propos d’Elly »

Film : «A propos d’Elly »

Film de Asghar Farhadi

Un film iranien à revoir en ce moment où les révolutions en Tunisie et en Egypte nous emplissent d’espoir et d’une certaine crainte.
Il est traité à la manière d’un film à énigme. Mi-film policier, mi-film dramatique. En effet c’est est un film psychologique sur la classe moyenne iranienne un peu occidentalisée mais pas totalement occidentalisée. Il prend maintenant des allures de documentaire. La contrainte des traditions affleure constamment dans une modernité affichée. Les individus se débattent pour trouver leur place dans le groupe et sans aucun doute dans la société iranienne, allant trop loin ou pas assez loin dans leurs prises de positions selon les séquences.
De jeunes couples de la classe moyenne iranienne vont passer un week-end de privilégiés au bord de mer. Faute de la maison dans laquelle ils croyaient séjourner, ils ont dû forcer la porte d’une maison abandonnée et en très mauvais état au plus près de la plage. Un début angoissant pour un film dont l’ambiance est pesante dès le début malgré la gaieté de cette bande de jeunes très insouciants accompagnés de leurs enfants. Ces parents ont des comportements estudiantins comme s’ils étaient libérés d’une pression qui ne dit pas son nom. Leur amie commune Sépideh, jeune mère de famille dynamique et moderne a organisé ce séjour, mais elle a pris l’initiative d’ajouter au groupe habituel son amie Elly que les autres ne connaissent pas encore et un de ses cousins, Ahmad, de retour d’Allemagne où il a vécu une histoire d’amour malheureux. Le groupe a la ferme intention de bien s’amuser mais c’est le drame qui se produira.
Elly est le personnage central, énigmatique. Réservée et secrète elle ne semble pas à sa place.
Pour se distraire, le groupe soudé par une histoire commune, pratique le jeu de mime qui met mal à l’aise certains des amis et le spectateur. Se dévoile peu à peu le projet de Sépineh de marier Elly à Ahmad. Des allusions, des moqueries renforcent le sentiment d’une adhésion du groupe au modèle du mariage arrangé. La liberté des uns et des autres, affichée, semble trouble.
Les évènements qui conduisent à la noyade d’un enfant font penser au très beau film israélien « My father, my lord »
Le film qui a eu l’Ours d’argent du meilleur réalisateur au Festival de Berlin 2009, a été tourné avant la contestation anti- Ahmadinejad.
Ce film sur le statut de la femme en Iran, la puissance des classes moyennes et leur réelle impuissance à se libérer totalement des traditions doit être vu ou revu.

Marie-Hélène Dacos-Burgues

Film iranien, écrit et réalisé par Asghar Farhadi, Iran 2009, avec Golshifteh Farahani, Taraneh Alidourshi, Shahab Hosseini, Merila Zarei, Mani Haghighi, Peyman Moavi

mardi 8 février 2011

Film " No et moi"

Film de Zabou Breitman

C’est l’histoire d’une amitié entre Lou, un lycéenne de 13 ans, en avance scolaire de deux ans, et une SDF de 18 ans : No.
L’idée de présenter le sujet comme une nécessité scolaire ( Lou veut faire un exposé sur No) est une bonne idée. Mais on a beaucoup de mal à croire à cette amitié.
Le décalage des âges, le décalage de milieu social, la parfaite tenue de l’enfant qu’est Lou et les activités choquantes de l’adulte qu’est malgré tout No, font un contraste difficile à oublier.

Tout au long du film on se demande sur quoi est basée cette amitié ? Puisqu’elle dure au delà de la nécessité des contacts pour l’exposé.
Pourquoi Lou recherche-t-elle No avec cette application ? Et que cherche-t-elle dans cette amitié ?
Le contexte familial de la vie de Lou : Les problèmes de sa mère en dépression grave, l’attention du père aux problèmes sociaux, à la scolarité de sa fille, ( il cherche sur internet des renseignements), la relative solitude de Lou dans son école ne suffisent pas à nous faire pénétrer dans le cœur de Lou.
On pénètre encore bien moins dans le cœur de No.
No semble d’abord agacée de cette amitié que lui offre sans cesse Lou. C’est là qu’est sans doute la partie la plus véridique de l‘histoire. No ne se soucie pas de Lou. No est provocante. No veut être libre.
On aurait aimé, dans un sujet aussi délicat, que le personnage de No soit aussi sympathique que celui de Lou ou celui du jeune garçon copain d’école de Lou qui, lui, est merveilleux dans son rôle de bourgeois. Malheureusement No est un peu caricaturée parce que tout simplement elle est vue de l’extérieur alors que les autres personnages sont vus avec beaucoup plus d’empathie, comme de l’intérieur … Or c’est justement ça exclure … c’est voir ceux qui sont différents comme des caricatures.
L’amitié se développe cependant tout au long du film sans nous éclairer davantage sur le fond de cette amitié. Pour ne rien arranger, malheureusement, l’accent est mis sur les activités « djeunes », le plaisir de s’éclater, l’alcool, la musique …
On est obligé de constater alors que la réalisatrice - qui probablement s’en défendrait - partage très profondément le point de vue du milieu bourgeois sur le milieu de la rue. Ceux qui galèrent dans la rue ne sont pas appréhendés à partir de leurs propres questions, de leurs propres souffrances, mais à travers le regard des autres, à travers le regard des passants. La séquence de la visite à la mère de No est à cet égard significative…Cette mère est toute extérieure à la vie de No, on ne la voit que derrière une fenêtre. Ce qui nous est présenté comme la cause de la déchéance de No, m’apparaît à moi comme un travers de la perception bourgeoise des choses de la vie. Aucune séquence ne permet de connaître No, ni de connaître les problèmes du lien de No avec sa mère. Pas étonnant dés lors que la réalisatrice ne montre que les déviances de No. Il n’y a pas d’égalité de traitement des personnages. C’est ce qui gêne le plus. Lou est délicate, policée, sociable. No ne l’est pas. La fille SDF est malheureusement vue soit comme la mauvaise conscience des nantis soit comme une personne impossible à aider vu ses travers. Ce film est donc plutôt une interrogation sur l’adolescence sans soucis, un point de vue de Moi ( jeune favorisée ) sur No, qu’un film sur l’égalité et l’amitié entre personnes de milieux sociaux différents. Mais il peut être conseillé de voir ce film qui pose des questions et qui est vu par les adolescents.
Film de Zabou Breitman, avec Nina Rodriguez ( Lou) et Julie-Marie Parmentier (No) . Adaptation du livre du roman de Delphine Le Vigan
Marie-Hélène Dacos-Burgues

mardi 4 janvier 2011

Film : Biutiful

Voilà un film qui interpelle.
Un film sur la violence de la vie dans les lieux de misère avec un personnage central d’une grande puissance et d’une profonde humanité. Javier Bardem a obtenu le prix meilleur acteur au festival de Cannes 2010 pour ce rôle, créé pour lui par le réalisateur. Uxbal vient d’apprendre qu’il lui reste trois mois à vivre pour cause de cancer de la prostate non soigné. Il nous entraîne dans sa vie quotidienne auprès de ses deux enfants, auprès de l’extravagante mère de ses enfants Marambra très border-line ( l’actrice argentine Maricel Alvarez) , auprès de ces immigrés chinois ou sénégalais qu’il aide comme il peut, mais aussi dans la recherche d’une compréhension de sa relation avec un père exilé au Mexique sous le franquisme et mort en exil. L’action se situe dans une espèce de cour des miracles, un véritable quartier de Barcelone, ancien ghetto des rebelles catalans, où grouille une population d’immigrés de tous les continents. On découvre petit à petit que Uxbal est tout en ambivalence : il est un peu médium, il profite sans aucun doute de la misère des autres - il est un rouage du travail clandestin des chinois - mais il est aussi leur seul recours. Pauvre lui-même, doué de capacités d’organisation, il a des contacts avec une police qui parfois ferme les yeux moyennant finances. Il est à la fois attentif aux autres, prêt à aider plus pauvre que lui, capable de favoriser la corruption et victime comme les autres de ce système parallèle et pervers qui les font tous vivre. C’est le monde de la nuit, de ceux qui se débrouillent, ne pensent pas à demander des papiers ni des droits. C’est le monde de la noirceur : la mère des enfants Marambra, le frère d’Uxbal, les clients des boîtes de nuit, les prostituées, les patrons des travailleurs clandestins se disputent le sordide. Suivant les heures de la journée tous ces protagonistes sont cachés ou s’exhibent en plein jour dans une grande ville de notre époque moderne. Ce film profond, dont le sujet semble être de nous montrer dans Barcelone, au de-là Ramblas et des oeuvres de Gaudi, une société de tous les trafics, de toutes les peurs, de toutes les injustices, ce film donc a une puissance qui ne réside pas dans la simple dénonciation mais dans la compassion que Uxbal a pour ses semblables, ses frères humains. Il provoque, en quelque sorte en retour, une certaine empathie pour les humains qui se débattent dans ce monde de la noirceur et un certain attendrissement pour Uxbal lui-même dont personne ne se soucie sauf une vieille femme qui le prépare à se détacher de la vie et à mourir. Un autre personnage, Diaryatou Daff, coiffeuse clandestine dans le réel, joue le rôle une femme qui cherche à se sauver, un rôle proche de son propre vécu. Ce n’est pas un film tiède ni bien pensant. C’est sa force.
La lumière n’est pas absente du film. Elle réside bien entendu dans le regard des enfants pour leur père mais aussi dans les petits gestes des uns et des autres pleins de bonté. On a comparé le réalisateur à Dostoïevski pour sa quête spiritualiste. Cela ne me semble pas faux.

Marie-Hélène Dacos-Burgues
Film écrit et réalisé par Alejandro Gonzalvez IÑARRITU, Espagne, Mexique, 2010, avec Javier Bardem l’acteur principal, Maricel Alvarez la jeune femme, Eduard Fernandez, Diaryatou Daff, Ckeick N’Diaye, Taisheng Cheng, Luo Jin,